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s’évanouissant dans la petite colonne de fumée noire que la foule assemblée sur la place de Saint-Pierre voit monter au-dessus du toit de la Sixtine.

C’est le vendredi 31 juillet que s’ouvrit le Conclave, par le chant du Veni creator qui, entonné dans la chapelle Pauline, se continua pendant que les cardinaux se rendaient processionnellement à la Sixtine. La célèbre chapelle avait reçu pour la circonstance une décoration qui la rendait encore plus imposante. Sur les deux grands côtés du rectangle qu’elle forme s’élevaient soixante-quatre fauteuils surmontés de baldaquins et vêtus de violet, à l’exception d’un seul, celui du Camerlingue-doyen qui, n’étant point créature du Pape défunt, n’en portait pas le deuil. Devant chaque fauteuil, une petite table et ce qu’il fallait pour écrire, deux bâtons de cire rouge, et une boîte d’allumettes. Dans le fond, l’autel surmonté de la fresque de Michel-Ange ; au milieu, des tables et des sièges pour les scrutateurs. Dans cette première séance, le maréchal du Conclave et les gardiens des tours prêtèrent serment de remplir fidèlement leur office ; puis, sur l’invitation du doyen, un cardinal donna lecture d’un second document posthume dans lequel Léon XIII déplorait de nouveau la situation qui lui avait été faite, justifiait son attitude, et exhortait les cardinaux à l’union et au courage. Cette voix du Pontife qui, parlant du fond de la tombe dans le crépuscule du soir, confirmait encore ses frères et bénissait son successeur en lui souhaitant un pontificat plus heureux que le sien, émut profondément l’assemblée. Il semblait que le grand Pape la présidât encore et tînt un dernier consistoire.

Le lendemain, à sept heures, les cardinaux communièrent tous à une messe basse, et ils se réunirent de nouveau à neuf heures et demie pour le premier scrutin. Sur soixante-quatre qui composaient tout le Sacré-Collège, soixante-deux étaient venus au Conclave et il ne manquait que le cardinal Moran et l’archevêque de Palerme, empêchés l’un par la distance et l’autre par son grand âge. La majorité des deux tiers étant nécessaire pour la validité de l’élection, il fallait donc quarante-deux suffrages.

Mgr Riggi, grand maître des cérémonies, commença par faire l’appel nominal, puis le dernier des cardinaux-diacres mit dans un sac soixante-quatre petites boules en bois qui portaient le nom de chaque cardinal et on tira au sort le nom de trois scrutateurs chargés de dépouiller les votes, de trois reviseurs chargés de