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On nomma ensuite le secrétaire du Conclave, et la presque-unanimité des suffrages se porta sur un jeune prélat très connu pour sa piété, ses talens et sa distinction, Mgr Merry del Val, président de l’Académie des nobles, fils de l’ancien ambassadeur d’Espagne auprès du Saint-Siège.

L’événement démontra que le choix ne pouvait être meilleur. Par une rencontre flatteuse et de bon augure, il se trouve que les débuts politiques de Mgr Merry del Val ressemblent à ceux du grand cardinal Consalvi qui, élu secrétaire du Conclave de Venise, fut conservé par Pie VII comme pro-secrétaire d’Etat et devint secrétaire en titre, après avoir été promu cardinal dans le premier consistoire que tint le nouveau pape.

Vint ensuite la lecture des innombrables messages, lettres et dépêches de condoléance que tous les gouvernemens, à l’exception d’un seul, et une foule de personnages marquans expédièrent au Sacré-Collège de tous les points du monde. L’Allemagne ouvrit la série par un télégramme de M. de Bülow que suivit de près une dépêche émue de l’Empereur. Dès le début de la maladie, le dimanche 3 juillet, Guillaume II avait été le premier à envoyer au Vatican, du fond de la Baltique où il croisait sur son yacht, ses sympathies respectueuses et ses vœux pour le rétablissement du malade. Il paraît même que devant sa suite et son équipage il tint ce jour-là un prêche où il exalta le Pontife et composa pour lui une prière éloquente. Le jeune souverain a le don des manifestations opportunes et ses attendrissemens servent sa politique. Il y avait peu de temps qu’au grand ennui de son hôte du Quirinal, il avait fait en faveur du Pape sa manifestation éclatante et qu’il avait dit en sortant de sa fastueuse audience : « Faut-il que les Français soient fous d’affliger un pareil homme et de se priver d’une pareille influence ! »

Toutes les puissances du monde exprimèrent les mêmes sentimens que l’Allemagne, depuis la république nègre de Libéria jusqu’à l’empereur de Chine et au roi de Siam. Catholiques et protestans, musulmans et bouddhistes confondirent leur voix dans le même chœur de regrets ; ce fut vraiment un plébiscite de souverains. L’Italie seule fit exception, sous prétexte qu’elle n’avait pas été prévenue du décès. Or, adresser une communication officielle au roi d’Italie résidant à Rome, c’était reconnaître sa souveraineté sur Rome, et les cardinaux n’avaient pas le droit de faire cette démarche que leur interdisait très formellement une