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partageaient entre ces deux candidats s’ils n’aimaient mieux « parier sur d’autres noms, » et cela pour des motifs tels que l’intérêt mondain de flatter la société aristocratique, de petites raisons personnelles de goûts ou d’antipathies, le désir de plaire à M. Combes plutôt qu’à M. Delcassé, car M. Combes désirait le succès de Gotti dans l’espérance que, devenu pape, il épouserait la cause des moines et que cette solidarité provoquerait la rupture des relations entre la France et l’Eglise. Il fallut une dépêche de M. Delcassé pour amener la conversion tardive de ces réfractaires, et encore M. de Navenne déclara-t-il « que, si son concours de fonctionnaire passait à Rampolla, ses sympathies personnelles restaient acquises à Gotti. » Il paraît aussi que l’ambassade de France auprès du Quirinal est intervenue dans la circonstance. M. Barrère est « comme une toile de maître qui déborde toujours de son cadre. » Ayant flatté la passion irréligieuse du parti au pouvoir, il songeait à préparer l’élection d’un candidat désiré par l’Italie et se donnait l’air d’un faiseur de pape en s’affichant pour Agliardi. Enfin les trois principaux prélats français qui habitent Rome, le cardinal de curie, l’auditeur de rote et le canoniste de l’ambassade ne s’entendaient pas. Quoiqu’ils cachassent leurs divergences, « il n’échappait pas à des yeux ecclésiastiques » qu’ils ne formaient pas les mêmes vœux et ne marchaient point ensemble.

Ce tableau peu flatteur n’est heureusement pas ressemblant, et M. Lamy d’abord, a trouvé moyen, qui l’eût cru ? de calomnier M. Combes en lui prêtant l’intention de pousser à l’élection du cardinal Gotti pour amener la rupture du Concordat. Que M. le président du Conseil fût capable de ce machiavélisme, c’est possible, quoique, en général, il manque de profondeur dans ses vues ; mais il n’en a rien manifesté à Rome, et ce qu’il pensait, ce qu’il désirait du Conclave est resté le secret de sa grande âme. Seul des membres du cabinet, M. le ministre des Affaires étrangères est intervenu dans les graves conjonctures amenées par la mort de Léon XIII. Certes on peut regretter que, dans plus d’une occasion, M. Delcassé n’ait point parlé assez nettement ni agi assez vigoureusement. Il faut pourtant reconnaître que, si, dans plus d’une occasion, il n’a point défendu suffisamment les vieilles traditions de notre pays, il ne les a pourtant pas abjurées et que, grâce à lui, la France fait encore figure de puissance catholique à l’étranger. Dans la circonstance, il a dit à Paris ce qu’il devait