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LES
DERNIERS JOURS DE LÉON XIII
ET
LE CONCLAVE DE 1903

Le pontificat de Léon XIII a été apprécié ici même avec une autorité et une compétence parfaites par MM. Francis Charmes et Georges Goyau. Les pages qui suivent, étrangères à toute considération de philosophie historique, ne prétendent qu’à donner une idée exacte et sommaire de certains faits importans sur lesquels n’ont encore été publiés que des récits incomplets ou faux. Elles ont été écrites par un témoin en plusieurs personnes qui ne craignent aucun démenti parce qu’elles étaient bien placées pour savoir ce qu’elles racontent.


I

Le pape Léon XIII avait conservé jusqu’à quatre-vingt-treize ans son intelligence lucide, sa mémoire prodigieuse et une volonté de vivre qui soutenait son corps frêle et lui donnait une résistance extraordinaire. Il n’avait pourtant point paru prédestiné à un long pontificat et il était si faible, lors de son élection, que ses parens croyaient qu’il ne passerait pas l’année. On doutait qu’il fût capable d’affronter la longue et fatigante cérémonie du couronnement, on le soumit à une épreuve préparatoire pour se convaincre qu’il pouvait supporter les ornemens pontificaux ; et ses proches disaient : « Pourvu qu’il aille jusqu’à la Saint-Pierre et que nous ayons en famille la médaille qui rappellera notre