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à ne pas faire un pas au-devant de l’ennemi : ils préfèrent l’attendre de pied ferme sur un terrain qu’ils connaissent bien et où ils occupent des situations fortes. Ils espèrent d’ailleurs que les Japonais, qui y arriveront après de longues marches, seront déjà fatigués, d’autant plus qu’ils ont peu de chevaux et que le soldat est obligé de tout porter ou de tout traîner avec lui. Nous devons donc nous armer de patience, et ne pas nous attendre à ce qu’il se produise avant plusieurs semaines un choc quelque peu décisif. Nous aurons, — et ce n’est pas de cela que nous nous félicitons le plus, — tout le loisir de tourner nos yeux vers notre politique intérieure. Nous l’avons négligée depuis quelque temps : cela nous donnait comme une impression de délivrance.

Mais notre gouvernement ne nous permet pas de l’oublier. Pendant que l’univers entier se préoccupe des événemens d’Extrême-Orient et se demande avec anxiété si la paix générale, troublée sur un point du monde, ne le sera pas aussi sur d’autres, M. Combes jette dans le pays de nouveaux brandons de discorde. Le Sénat vient de discuter et de voter une loi qui mutile la liberté de l’enseignement secondaire. La Chambre s’apprête à en discuter et à en voter une autre qui fera disparaître partout les derniers vestiges de l’enseignement congréganiste. Voilà l’œuvre que nous perpétrons au bruit du canon lointain, mais qui pourrait se rapprocher. Notre armée, notre marine, qui y songe ? Fermer des écoles, persécuter quelques frères et quelques religieuses, à cela se borne notre activité politique, et il est vrai que cela est peu fatigant pour l’esprit. Le gouvernement et la majorité étant tout à fait à la hauteur de cette tâche, il faut souhaiter pour eux, et surtout pour nous, qu’ils n’en aient jamais d’autre à remplir : car alors qu’arriverait-il ?


Francis Charmes.
Le Directeur-Gérant,
F. Brunetière.