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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




29 février.


La première émotion causée par les événemens d’Extrême-Orient commence à se calmer. La rapidité, imprévue pour le plus grand nombre, avec laquelle les hostilités ont commencé avait causé une sorte de panique dont le contre-coup s’est fait sentir à la Bourse. La spéculation y a eu des momens difficiles. Et cela n’est pas fini : avant la fin de la guerre, qui est peut-être lointaine, il y aura encore de brusques secousses. Cependant on s’habitue à tout, et probablement l’opinion se montrera désormais moins impressionnable. On est averti ; on sait mieux à quoi on doit s’attendre ; le danger de complications générales, à supposer qu’il existe, ne parait plus aussi pressant, et, comme tout le monde le craint, on prendra sans doute les moyens d’y échapper. Nous ne sommes plus au temps où l’on faisait « la guerre pour une idée. » Il faut aujourd’hui pour cela des motifs plus graves qu’un entraînement d’imagination, ou même de sensibilité, et on ne voit pas d’où ces motifs pourraient venir. Le gouvernement britannique est prudent et sage, et l’opinion elle-même qui, chez nos voisins, avait pris ardemment fait et cause pour le Japon avant l’ouverture des hostilités, est devenue plus tiède depuis que les premiers coups de canon ont été tirés. Quant à nous, toutes nos sympathies sont pour la Russie, et il va sans dire que ces sympathies ne sont pas seulement des mots. Mais que pouvons-nous faire en ce moment pour nos alliés, et que peuvent-ils nous demander ? Ce n’est pas un paradoxe de dire que les véritables difficultés ne commenceront que lorsque la guerre sera terminée et qu’il faudra en régler les conséquences. Et nous n’en sommes pas encore là.