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lorsqu’une vapeur commence à se condenser dans un gaz. La nuée bleue se montre alors ; C’est pour la même raison que les fumées légères du tabac ou de l’encens sont souvent teintées de bleu.

Les conditions de cette diffusion bleue, si bien étudiée par les physiciens, sont précisément reproduites par la nature dans les hautes régions de l’atmosphère. Celle-ci contient, en effet, à toute altitude, des corpuscules en suspension, poussières, parcelles de glace ou gouttes d’eau. Grossières près du sol, ces particules deviennent extrêmement ténues dans les régions élevées.

Les gouttes de brouillard qui, dans la plaine, ont jusqu’à 127 millièmes de millimètre n’en ont plus que six au flanc des montagnes, à 1 200 mètres de hauteur. Pour ce qui est des poussières, M. Perrotin en a noté à plus de 50 kilomètres au-dessus du niveau de la mer. L’éruption du Krakatoa a projeté à une hauteur de plusieurs kilomètres des cendres fines qui ont mis plusieurs années à retomber. D’après les idées d’Arrhénius, le soleil lance constamment sur notre globe des corpuscules cathodiques qui forment une sorte de voile stationnaire à plus de 200 kilomètres de la surface terrestre.

L’air chargé de ces poussières fines est un type de milieu trouble ; le nuage bleu correspondant, c’est l’azur du ciel[1].

Les théories optiques rendent parfaitement compte de la diffusion bleue des milieux troubles. Elles permettent d’évaluer l’intensité et la coloration de la lumière émergente. En appliquant les règles de la diffraction, Stokes et lord Rayleigh ont établi que l’affaiblissement éprouvé par chaque couleur incidente devait être en proportion de la quatrième puissance de la longueur d’ondulation. Cette loi numérique remarquable a subi l’épreuve du contrôle expérimental. On a décomposé au moyen du prisme le faisceau incident issu du soleil et le faisceau émergent issu du ciel bleu, et l’onde mesurée pour chaque radiation, l’affaiblissement qu’elle subit en passant de l’un des faisceaux à

  1. D’après ce qu’on a vu plus haut, la lumière émise par cette voûte azurée est plus riche que la lumière solaire eu rayons bleus, en rayons violets et en rayons ultra-violets. Lorsqu’un détail de paysage cesse d’être éclairé par le soleil, il reçoit encore la lumière du ciel bleu, et il prend une teinte plus bleue par rapport aux objets qui l’entourent. C’est le phénomène des ombres colorées. — La coloration bleue de l’ombre n’est pas contestable. Elle est évidente lorsqu’il s’agit d’une surface blanche dont une partie est abritée du soleil : c’est le cas pour l’ombre projetée par des arbres sur une route poudreuse. — L’abondance des rayons violets donne lieu à une observation du même genre. — En ce qui concerne les rayons ultra-violets, photographiques, on a bien souvent remarqué que les rayons issus du ciel bleu exerçaient une action photogénique supérieure à celle de la lumière directe du soleil.