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sulfate de cuivre, sont bleus par transparence : la lumière qui entre blanche d’un côté sort bleue de l’autre. Cela tient à ce que les autres composans du faisceau lumineux, les rayons rouges, les rayons orangés, les rayons jaunes sont restés en route : ils ont été absorbés plus ou moins complètement.

On est porté à croire, d’un premier mouvement, que le ciel, c’est-à-dire l’air atmosphérique, est bleu à la façon du vitrail ou du flacon dont nous venons de parler. Il semble naturel de supposer que l’atmosphère contient une substance bleue diluée dans la masse gazeuse comme l’oxyde de cobalt dans la substance du vitrail ou le sulfate de cuivre dans l’eau du flacon.


Quel est ce gaz, de couleur bleue sous grande épaisseur, qui serait contenu dans l’atmosphère ? Il y a quelque trente ans, on enseignait couramment que c’était l’air lui-même, en totalité. A la vérité, nous ne connaissons point de couleur à l’air ; et même, il passe pour le type des substances incolores. Mais cela peut tenir à ce que notre observation porte sur une épaisseur de gaz insuffisante. C’est ce qui arrive pour les feuilles de verre à vitres qui, examinées de champ, n’offrent pas la moindre teinte, tandis que vues par la tranche elles présentent une nuance verte très accusée.

L’air passait donc pour être bleu lorsqu’on le considère en grandes masses, bleu à la façon du verre de cobalt ou de la solution de sulfate de cuivre, c’est-à-dire par transmission ou transparence. — C’était là une erreur ; et l’on en peut fournir deux preuves, l’une savante due au physicien américain S. P. Langley, l’autre empruntée à l’observation vulgaire.

Commençons par celle-ci. Par les temps clairs on aperçoit k de grandes distances les sommets neigeux des montagnes. Des collines du Maçonnais, par exemple, on distingue nettement les glaciers du Mont-Blanc : on en voit la neige. Or, on la voit blanche et non pas bleue. Dira-t-on que l’épaisseur d’air interposée est bien moindre que celle de l’atmosphère et trop faible pour que la couleur en soit perceptible ? L’objection n’a pas de valeur, car ce n’est pas l’épaisseur qui importe, c’est la quantité de matière. Il peut y avoir autant d’air, et par conséquent autant de couleur, dans la colonne gazeuse qui sépare l’observateur du sommet montagneux que dans la colonne de plus en plus raréfiée qui le surplombe. Celle-ci lui donne l’impression de l’azur : si l’air était vraiment coloré, la neige devrait, elle aussi, paraître azurée.