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physiciens les plus illustres. Arago, en 1811, reconnaît que la lumière du ciel bleu est partiellement polarisée, ce qui revient à dire que les particules qui l’envoient à notre œil ne l’engendrent point elles-mêmes, qu’elles la reçoivent d’une source étrangère qui, en fait, est le soleil. — Brewster soutient, en 1842, que la réflexion des rayons du soleil sur les molécules des gaz atmosphériques peut engendrer la coloration bleue. Lord Rayleigh, en 1899, adopte cette vue, la développe et en fait la théorie la dernière en date et la plus en faveur. Celle-ci avait été précédée d’une autre du même auteur — Lord Rayleigh, alors W Strutt, avait proposé sa première théorie en 1871 : c’était une application des idées émises, vingt ans auparavant, par Stokes sur la diffraction par les corps pulvérulens, et elle faisait jouer aux poussières en suspension le rôle que l’éminent physicien attribue aujourd’hui aux molécules gazeuses. — Clausius, en 1848, s’était aussi occupé du phénomène. Il l’attribuait à la réflexion des rayons solaires sur l’enveloppe des vésicules d’eau hypothétiques que l’on croyait exister dans l’atmosphère. — Il faut accorder une mention à part aux belles expériences de Tyndall qui, en 1868, réussit à reproduire artificiellement le phénomène naturel. — A. Cornu, en 1879 et en 1884, envisage l’un des côtés du problème. — Hautefeuille et Chapuis, en 1880, attribuent le bleu céleste à la couleur du gaz ozone contenu dans l’atmosphère. — Il faudrait citer beaucoup de noms, si l’on voulait épuiser la liste des physiciens que cette question a passionnés. Mais, en définitive, il n’y en a que deux, Tyndall et lord Rayleigh dont l’œuvre soit essentielle. Il faut nommer, aussi, M. Sagnac, professeur à la Faculté de Lille, qui a repris récemment la dernière explication de lord Rayleigh et dont le travail nous fournit l’occasion de cette étude.


I

La première question à décider est la question de lieu. Où commence et où finit le ciel ? en entendant par ce mot la masse bleue, et éclairante, qui nous donne l’impression d’un dôme suspendu sur nos têtes. La profondeur de cette voûte, à première vue, nous paraît infinie : notre illusion la prolonge sans mesure et ne lui assigne pas d’autres limites qu’à l’espace lui-même.

Dans la réalité, le ciel lumineux et azuré ne dépasse point l’étendue de, notre atmosphère ; il finit avec elle. Au-delà c’est un gouffre noir. Si un impossible aérostat venait à nous transporter aux confina