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planètes et les trajectoires des soleils. Dans ce vide apparent, où est le ciel ? Comment se révèle-t-il à nos sens ?

Il se révèle par sa luminosité et par sa couleur. Le ciel est lumineux et il est bleu : c’est ce qui le définit. Il est l’objet réel de l’espace qui possède cet éclairement diffus et cette coloration. Il en offre d’ailleurs toutes les nuances, depuis le bleu sombre du saphir, jusqu’au bleu clair de la turquoise. Toutes les variétés de bleu : l’azur héraldique, symbole de la justice dans le langage du blason, le bleu de roi, l’outremer, l’indigo, toutes ces teintes se retrouvent dans le ciel. Les poussières et les brouillards, ceux surtout à gros grains et à gouttes volumineuses qui flottent dans l’air au voisinage du sol en modifient la teinte et la lavent de blanc, et quelquefois de jaune et même de rouge. Le ciel est d’un bleu plus intense au zénith qu’à l’horizon. Il est plus sombre après une pluie abondante qui a abattu les gouttelettes d’eau et les particules solides les plus grossières. Sa coloration, enfin, est d’autant plus foncée qu’on l’observe d’une station plus haute, en pays de montagnes.

On conçoit sans plus amples explications, que les nuances du bleu du ciel sont étroitement liées aux conditions de l’atmosphère et particulièrement à la présence, plus ou moins abondante, de l’eau en suspension. De là, chez les météorologistes le désir d’apprécier les degrés de coloration du ciel et de les composer exactement dans les différens momens et dans les différens lieux. Déjà, en 1796, le physicien genevois H. -B. de Saussure avait imaginé, pour identifier ces diverses teintes, un appareil, le cyanomètre, qui offrait une gamme de cinquante et une nuances échelonnées suivant leur richesse croissante en bleu. C’est d’une station du Mont-Blanc que ce savant observa la teinte de ciel la plus sombre qui se soit offerte à lui : elle correspondait au bleu de roi foncé Cette tentative de mesure était prématurée. L’utilisation des documens ainsi obtenus exigerait que l’on connût mieux préalablement la signification du phénomène.

Depuis plus d’un siècle les physiciens se sont appliqués à cette tâche. Où siège la couleur bleue du ciel ? D’où émane-t-elle ? Quelles circonstances la modifient ? Ce sont là autant de questions malaisées à éclaircir. Les phénomènes les plus subtils de l’optique physique s’y trouvent impliqués. On y voit intervenir la diffusion lumineuse dans les gaz, la diffraction dans les milieux troubles, la réflexion spéculaire, et d’autres notions aussi délicates.

Il ne faut donc pas s’étonner de trouver, parmi les savans qui se sont attaqués à ce sujet de l’origine du bleu du ciel, les noms des