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est d’un dessin si précis qu’elle laisserait l’impression d’une certaine sécheresse, sans la couleur des détails de mœurs qui la relèvent, sans l’intensité des passions qui soutiennent la trame. Une fois de plus, on reconnaît là l’avantage qu’il y a pour un écrivain à se mouvoir dans un cadre bien particulier, qui échappe encore à l’uniformité de notre monde moderne et fournit des traits anciens, des mœurs pittoresques, des figures à caractère. Quel que soit le sujet de son œuvre, elle bénéficie de la séduction qu’exerceront longtemps encore, sur nos esprits fatigués de la monotonie de notre vie toute réglée, ces milieux où l’on retrouve quelque chose de la variété, de la couleur, de l’imprévu du temps passé.

Du tien au mien est la cinquième pièce de M. Verga, en comptant pour une seule le diptyque de la Chasse au loup et la Chasse au renard. Elle est la seule qui comporte plus de deux actes. Et l’auteur, en traitant une matière différente, — puisqu’il s’agit d’affaires et pas ou presque pas d’amour, — a réussi à y transposer les qualités qu’il avait montrées dans les précédentes. Elle peut donc passer, à plus d’un titre, pour la plus importante de ses œuvres dramatiques. Si elle ne retrouve pas le succès de popularité de Cavalleria rusticana, c’est que la foule, qui fait, dans la vie, une si grande place aux passions de l’intérêt, réserve, au théâtre, sa faveur aux passions de l’amour.