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directeur, avec des appointemens aussi, parce qu’il faut bien qu’il nourrisse sa famille. On se lance quelques injures : Parole di negozio, comme dit le notaire. Pour son compte, il approuve l’idée, mais Rametta feint de la repousser en criant qu’on l’écorche. Et le baron se révolte.

— Me dépouiller de la mine, après que j’ai payé les intérêts à douze et demi pour cent ! s’écrie-t-il.

— Je n’en ai jamais vu un centime, réplique Rametta.

— Vous serez payé, affirme don Rocco, puisque la mine recommence à produire.

Encore un point sur lequel on a de la peine à s’entendre. Il n’y a que Luciano qui soit renseigné là-dessus, puisque c’est lui qui tient le compte du soufre qu’on extrait chaque jour. On l’appelle. Le voilà pris entre Rametta qui le paye et Lisa qu’il aime. Il tâche de se tirer d’affaire en temporisant : il n’a pas son carnet, il ne sait où il l’a mis. Mais dès que Lisa lui commande de le montrer, il le tire de sa poche. Le compte étant favorable, Rametta risque un dernier coup pour empêcher de le produire : Luciano est un Judas, qui le trahit… et tout le monde sait pourquoi… Il n’y a que le baron qui ne le sache pas !… La scène devient tumultueuse ; les répliques se précipitent, chacun dit son mot : don Rocco, la tante, le notaire. Le baron, accablé, se lamente d’une telle déchéance. Il n’y a que Lisa qui ne dise rien. Mais quand son père lui demande ;

— Tu le veux ?… Tu le veux donc ?…

Elle fait signe que oui, en fille résolue.

Alors le baron se sent vaincu : il la chasse de la maison ; il capitule, il signera tout ce qu’on voudra. Et don Rocco se frotte les mains.

Le baron Navarra, qui descend d’Anchise, est maintenant l’employé de Rametta, et celui-ci, lorsque nous le retrouvons au troisième acte, le traite comme tel, en le rudoyant. Lisa, depuis qu’elle a épousé son Luciano, n’a pas reparu chez son père. Nina reste la même, laborieuse et sacrifiée, n’attendant rien de la vie et faisant son devoir au jour le jour, en être de douceur et de paix. L’argent de Rametta ayant permis d’acheter les machines et d’exécuter les travaux nécessaires, la mine a été réparée, la production redevient satisfaisante ; on voit approcher l’heure où les efforts seront récompensés. Mais, quand ce n’est plus avec la nature qu’il faut se battre, c’est avec les hommes : les ouvriers, toujours mécontens, réclament des avantages qu’il est impossible de leur accorder, — la grève a éclaté. Elle dure depuis quelque temps déjà : comme on ne leur cède pas, l’oisiveté et les privations les exaspérant, ils sont à ce degré de souffrance et de fureur où l’on ne craint