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UNE COMÉDIE DE M. VERGA

DU TIEN AU MIEN

Le théâtre Manzoni, à Milan, a représenté, dans les derniers jours de l’année dernière, une comédie en trois actes de M. Giovanni Verga.

Une œuvre nouvelle du puissant écrivain sicilien, qui ne se prodigue pas, est toujours un événement littéraire : son théâtre, pour nous en tenir à ce seul côté de son talent, occupe dans l’art dramatique italien une place qui n’est certes pas mesurée à la quantité, ni au volume de ses pièces, très courtes et peu nombreuses. M. Verga, en effet, a créé à son usage une forme particulière, où l’on a pu l’imiter, mais où l’on ne l’a pas atteint : en des actes brefs, dont le dialogue est d’une animation, d’une vérité, d’une vie extraordinaires, il traite avec une exceptionnelle intensité des situations rudes et violentes, que résout une catastrophe terrible : on connaît Cavalleria rusticana, qui fut jouée à l’ancien Théâtre-Libre avant, si je ne trompe, d’être mise en musique. Grâce sans doute à un sujet heureux, cette pièce est la plus (populaire de son répertoire. Mais la Louve et la Chasse au loup ne lui sont point inférieures. Là aussi, le thème passionnel se développe avec une grandeur qui vous saisit dès les premières paroles. Ce même souffle fatal vous emporte de scène en scène, au gré d’une action dont la marche implacablement progressive, qu’aucun hors-d’œuvre ne ralentit, qu’aucun incident ne contrarie, rappelle celle des tragédies les plus « directes » du théâtre classique. Là aussi, l’observation est d’une minutieuse exactitude, les moindres traits sont pris sur le vif. Là aussi, un fonds de poésie, celle de cette race sicilienne