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M. Haldane, membre du Parlement, plus nous pourrons économiser sur nos forces de terre. Notre vraie politique de défense est le commandement de la mer, non pas dans ce sens que notre marine soit en état de défendre nos côtes, mais dans ce sens que notre flotte soit assez puissante et mobile pour que nous puissions toujours attaquer. C’est uniquement par la faculté de prendre l’offensive que nous pouvons préserver nos côtes de l’invasion et assurer notre approvisionnement. Si nos hommes d’Etat s’étaient établis sur ce solide principe, nous aurions une armée moins considérable en effectif que celle que croient nécessaire de nous donner des gouvernans égarés au milieu de leurs conceptions confuses, et nous aurions épargné les millions de livres sterling que l’on a perdus en fortifications et en défenses de côtes, devenues inutiles, surannées, sans valeur. »

Les énormes sacrifices que s’impose la nation anglaise, dans un accord patriotique vraiment superbe du peuple et du gouvernement, pourront-ils se continuer longtemps ? Il n’est point de richesse inépuisable. Si opulente que soit l’Angleterre, elle se verra, un jour prochain peut-être, dans l’impossibilité de persévérer dans ses prodigalités improductives. Il faut considérer qu’elle est une nation en pleine force, mais d’âge mûr, ayant atteint sans doute le maximum de son développement, sinon dans certaines parties de son empire extra-européen, au moins en Europe ; que, pour ne point parler de nous-mêmes, deux des puissances que l’on désigne comme ses adversaires possibles grandissent et se développent d’année en année, au point de vue industriel et commercial, comme au point de vue naval ; que les ressources de l’une d’elles sont à peine entamées malgré la guerre où elle s’est engagée, et que les ressources de l’autre sont absolument intactes et dans un état presque parfait de préparation. Devant la force croissante de ces peuples rivaux, l’Angleterre n’entrevoit-elle pas le temps où elle commencera à fléchir sous le poids de ses charges ? C’est une éventualité qu’envisagent au-delà du détroit les hommes qui réfléchissent, et cela explique deux tendances delà politique britannique actuelle, dont on a observé curieusement de récentes manifestations : d’une part, l’acceptation facile de l’idée d’un accord international limitant la proportion des accroissemens des armemens maritimes, idée rejetée aujourd’hui par la guerre russo-japonaise dans le domaine d’une contingence fort éloignée ; de l’autre, la