Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 20.djvu/194

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’escadre, de 8 gardes-côtes, de 12 croiseurs cuirassés, sans compter les contre-torpilleurs et autres petits bâtimens, et l’on sait que l’importance de ce programme a été à peu près doublée deux années plus tard[1].

Les Etats-Unis avaient eux-mêmes en chantier cinq grands cuirassés de 11 500 tonnes. De ce côté, l’Angleterre n’appréhendait plus, il est vrai, rien de menaçant. Depuis la dernière alerte du Venezuela, les Anglais étaient décidés, à peu près à l’unanimité, à saisir la première occasion favorable, et la guerre hispano-américaine, en 1898, offrit cette occasion, pour donner au cousin Jonathan de telles preuves d’amitié, de condescendance, de bon vouloir familial, que l’on n’eût plus jamais à redouter un conflit armé avec ce peuple de même race et de même langue. C’était bien assez d’avoir à considérer l’hypothèse, invraisemblable sans doute, possible cependant, d’une guerre où la marine britannique aurait à combattre, c’est-à-dire à vaincre, les marines, non plus seulement de deux, mais de trois puissances réunies du continent ; France, Allemagne et Russie.

On vient de dire ce que préparait l’Allemagne. La France avait le Henri IV en chantier depuis janvier 1896, le Iéna depuis avril 1897. Le Suffren fut commencé en avril 1898. Quatre croiseurs protégés à grande vitesse étaient sur cale. En croiseurs cuirassés, après la Jeanne-d’Arc, dont la construction avait été entreprise à la fin de 1895, on avait mis coup sur coup en chantier dans les derniers mois de 1897 quatre bâtimens (Gueydon, Dupleix, Montcalm et Desaix) ; on en devait commencer trois autres (Kléber, Gloire, Condé, les deux derniers de 10 000 tonnes) à la fin de 1898, trois autres encore de 10 000 tonnes (Sully, Marseillaise et Amiral-Aube), en 1899.

La caractéristique commune de tous ces bâtimens était la vitesse de 21 nœuds. L’armement et la protection étaient peut-être un peu insuffisans pour les dimensions. Mais, à quelque critique que pût donner lieu tel ou tel détail du dessin de ces bâtimens, l’Angleterre n’avait rien à leur opposer.

La Russie commençait l’exécution d’un vaste programme comprenant quatre croiseurs cuirassés de 12700 tonnes, deux de 7 800, et huit cuirassés d’escadre de 12 500 à 13600 tonnes, tous de 18 nœuds, puissamment protégés et armés. L’un des croiseurs

  1. Voyez l’Évolution de la marine allemande, par M, Edouard Lockroy, dans Revue des Deux Mondes du 1er avril 1903.