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de tout autres affaires que de la comparaison des escadres britanniques avec celles des nations étrangères. Il avait un nouveau projet de Home Rule à présenter au Parlement ; il voulait une nouvelle réforme électorale, la diminution des pouvoirs de la Chambre haute, des réformes ouvrières et agraires, la séparation de l’Eglise et de l’État en Angleterre et en Écosse, tout le programme de Newcastle.

Cependant lord Spencer, le premier lord de l’Amirauté dans ce cabinet, où l’étoile de Gladstone jetait ses derniers feux, était un homme d’intelligence lucide et de vues larges. Un de ses premiers actes fut l’approbation des plans présentés par le directeur des constructions navales, M. White, pour une classe nouvelle de cuirassés qui devaient dépasser en puissance tout ce qui avait été construit jusqu’alors, et pour deux croiseurs protégés, véritables monstres, qui, pour le volume et la vitesse, laisseraient loin derrière eux le Columbia et le Minneapolis que venaient de lancer les États-Unis.

Ces cuirassés, d’une longueur de 119 mètres, déplaceraient 15 100 tonnes et auraient une vitesse de 17 et demi à 18 nœuds. Le ministre en commanda deux : le Magnificent et le Majestic, que devaient bientôt suivre sept autres bâtimens semblables, les neuf unités composant la classe absolument homogène et vraiment admirable du Majestic, le triomphe de sir William White. Les deux croiseurs protégés, Powerful et Terrible, longs de 168 mètres, déplaçant 14 475 tonnes, devaient avoir une force de propulsion de 25 800 tonnes, qui leur donnerait une vitesse de 22 nœuds. Ainsi lord Spencer réalisait par anticipation une partie des desiderata de la Ligue navale et de son impétueux porte-paroles, lord Beresford. Aussi le devis de constructions nouvelles, établi par ce dernier, en mars 1893, à £ 23 millions, était-il ramené à £ 18 millions au mois de novembre suivant, lorsqu’il fut présenté au Parlement. Les commandes récentes du premier lord de l’Amirauté couvraient l’écart.

Il fallait encore compter avec le chancelier de l’Échiquier, sir William Harcourt, ministre économe des deniers publics, et qui, au mois d’août 1893, déclarait que le gouvernement n’était pas disposé à proposer la construction d’un certain nombre de vaisseaux en laissant à ses successeurs le soin d’en payer les frais. Mais la ligue veillait, et lord Spencer s’étant hasardé à dire à Sheffield que l’Angleterre possédait 43 navires cuirassés armés