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la « loi de défense navale, » Naval Defence Act, qui ordonnait la construction de 70 navires nouveaux de toutes classes, dont 10 cuirassés du type le plus puissant. Cette construction entraînait une dépense totale de £ 21 millions (plus d’un demi-milliard de francs), à répartir en quatre ou cinq années. Si l’Angleterre reculait devant cet effort, avaient dit les défenseurs du Naval Defence Act, si elle laissait mettre en péril sa suprématie, dont dépendait son existence nationale et impériale, elle tomberait tôt ou tard à la condition que lord Carnarvon avait ainsi définie : « une île surpeuplée et mécontente dans la mer du Nord. »

Un document d’une haute importance était venu en aide aux auteurs de la campagne et avait exercé une influence décisive sur le vote du Parlement. C’était un rapport sur les manœuvres navales de 1888, portant la signature de trois amiraux et dont la conclusion était ainsi formulée : « Si nous perdions une fois la maîtrise de la mer, l’ennemi n’aurait pas besoin de débarquer un seul homme sur nos rivages pour contraindre l’Angleterre à une capitulation ignominieuse. C’est par sa marine que La Grande-Bretagne doit vivre ou succomber. »

La politique du Naval Defence Act s’imposa dès lors à l’Amirauté d’une manière définitive. Il n’y eut plus d’hésitation, comme après 1884. Le gouvernement, le Parlement et la nation s’engagèrent d’accord dans la voie nouvelle. Ni l’un ni l’autre des deux grands partis n’était disposé à laisser retomber l’établissement maritime dans son ancienne condition. Il fut entendu que, toutes les fois que les nations étrangères et rivales, Russie, Allemagne, France, Etats-Unis, feraient un pas en avant, il faudrait en Angleterre examiner à nouveau (to reconsider) la situation. Il y eut à cette époque une grande floraison de littérature navale. Les ouvrages du capitaine américain Mahan n’ont paru qu’après l’expansion de ce mouvement d’opinion. Ils ne Font donc point créé, ils n’ont eu aucune part dans l’inspiration de la célèbre loi de la Naval Défense, mais ils se sont placés au premier rang des écrits qui, depuis quatorze ans, ont tenu en Angleterre l’esprit constamment éveillé sur l’importance vitale pour ce pays du maintien de sa suprématie maritime.

Avec l’action de la littérature navale s’exerça celle des ligues maritimes. Les grands mouvemens d’opinion en Angleterre ont toujours accompli leurs fins au moyen de ligues. Les succès de l’association contre les droits sur les céréales, Anti-corn