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bateaux-écoles ou gardent, vétérans commémoratifs, les ports de guerre, comme fait encore à Portsmouth le Victory en bois, sur le pont duquel Nelson tomba, blessé à mort, à Trafalgar. Quelques-uns ont été l’objet de réfections plus ou moins importantes. Munis de nouvelles chaudières et d’une nouvelle artillerie, ils restent inscrits dans les réserves ultimes de la flotte, mais n’ont plus une valeur sérieuse de combat. A la même époque, les puissances rivales de l’Angleterre, France, Russie, Allemagne, étaient à la veille d’acquérir la supériorité du nombre des unités de combat, comme elles avaient déjà la supériorité de l’armement et l’élan de l’esprit inventif.

L’Amirauté britannique venait de se décider en 1882 seulement à abandonner les canons en fer forgé se chargeant par la bouche pour les canons en acier se chargeant par la culasse. L’Angleterre sur ce point, comme sur beaucoup d’autres, s’était laissé devancer par les marines étrangères. Elle avait cependant, durant quelques années, après la guerre de Crimée, adopté le système de la charge par la culasse. Il est d’autant plus étonnant qu’elle fait ensuite répudié pour ne le reprendre qu’après une période de plus de quinze années d’obstination dans la routine. G. Armstrong[1], abordant la fabrication du matériel de guerre, surtout celle du canon, qui n’avait fait aucun progrès substantiel depuis les guerres contre Napoléon, proposa, en 1856, au gouvernement un modèle de canon rayé se chargeant par la culasse. Les essais furent jugés satisfaisans et l’habile constructeur fut nommé ingénieur de l’artillerie rayée. Il fabriqua, assure-t-on, de 1859 à 1868, plus de trois mille canons du modèle présenté. Malheureusement pour l’Angleterre, son ingénieur de l’artillerie rayée ne sut pas triompher aussi vite que ses rivaux du continent des défectuosités signalées dans le système de fermeture de la culasse. En 1863, le gouvernement décida le retour au chargement par la bouche et y resta obstinément attaché, alors que ce système était abandonné par presque toutes les autres puissances[2]. Il ne revint sur cette décision qu’en 1882.

L’Angleterre avait été distancée par les puissances

  1. Plus tard lord Armstrong, le fondateur des grands établissemens d’Elswick, sur la Tyne, près de Newcastle, mort le 27 décembre 1900, à l’âge de 91 ans.
  2. L’Amirauté acheta, en 1818, un cuirassé brésilien, Independencia, qu’elle baptisa Neptune. Il était armé de canons se chargeant par la culasse. Dès que le bâtiment fit partie de la marine britannique, ces canons, d’un modernisme excessif, furent remplacés par des pièces-bouche réglementaires,