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sortie de cette plume facile[1] ; c’est la seule qui vaille qu’on en dise quelques mots.

Le sujet est sans intérêt ; Mademoiselle a mis en conte bleu les fastidieuses querelles de son domestique : « J’en fis une petite histoire qui fut achevée en trois jours, à écrire une heure ou deux heures le soir, quand je revenais de chez la Reine. » En récompense, il y a dans la Princesse de Paphlagonie des croquis d’après nature d’un trait vif et ferme qui est une nouveauté chez Mademoiselle. Un passage sur la chambre bleue de Mme de Rambouillet sera d’un grand secours pour restituer un intérieur élégant sous Louis XIV, si l’on essaie jamais, comme il a été proposé, de jouer les comédies de Molière dans la vraie « chambre » de Philaminte ou de Célimène. D’autres nous ont parlé de la pièce où recevait Mme de Rambouillet. Ils nous en ont décrit le décor harmonieux et le désordre savant. Personne ne nous a rendu comme Mademoiselle l’atmosphère intime du sanctuaire, avec son jour mesuré et discret, son luxe de fleurs, ses objets d’art, et sa petite bibliothèque de choix, disant les goûts et les préférences de la divinité du lieu. Cela ressemble bien plus au salon d’une femme intelligente du XXe siècle qu’à une pièce du château de Versailles.


III

Les invités de Mademoiselle profitaient aussi de raffinement de son goût. Elle avait imposé à son salon une règle, une seule : les cartes en étaient bannies. On n’y était jamais exposé à se ruiner comme chez le Roi, qui encourageait le gros jeu. Il ne déplaisait pas à Louis XIV d’être la Providence des décavés ; c’était encore une façon de tenir sa noblesse. Sa cousine n’entrait pas dans ces sortes de considérations. Elle disait : « Je hais à jouer aux cartes, » et ne jouait que s’il lui était impossible de s’en dispenser ; elle ne devait pas aimer à perdre. On remarqua que le Luxembourg avait gagné en gaîté à l’exclusion des jeux d’argent : « — On riait cent fois davantage, » raconte l’abbé de

  1. Les autres sont : Vie de Madame de Fouquerolles, autobiographie supposée d’une dame qui fut mêlée aux intrigues de la Fronde (existe en manuscrit à la Bibliothèque de l’Arsenal), et Relation de l’île imaginaire (1658), badinage renouvelé d’un épisode de Don Quichotte.