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pointe de Quiberon jusqu’à l’embouchure de la Gironde, soit sur une étendue de 150 milles marins (240 kilomètres). Pour garder le pertuis d’Antioche, large de plus de 8 milles marins, le pertuis Breton et le pertuis de Maumusson, qui donnaient tous trois accès à la rade de Rochefort, il n’y avait, à la fin de juin, et il n’y eut jamais dans la suite, qu’un seul vaisseau anglais, le Bellérophon, et un ou deux petits bâtimens[1]. Il était donc au moins excessif d’écrire, comme le fit Bonnefous, que la présence de la croisière « ne laissait aucun espoir de sortir de la rade. »

La lettre du capitaine de Bonnefous inquiéta vivement l’Empereur. « Il s’en montra désolé, » dit le préfet Busche. Mais, en même temps, les ovations des habitans de Niort réveillèrent ses espérances assoupies. « Le gouvernement, dit-il à Beker, connaît mal l’esprit de la France. S’il avait accepté ma dernière proposition, les affaires auraient changé de face. Je pouvais encore exercer, au nom de la nation, une grande influence sur les affaires politiques en appuyant les négociations par une armée à laquelle mon nom aurait servi de point de ralliement. » Dominé par ces pensées, il pria Beker d’informer la commission exécutive de l’obstacle mis par la croisière au départ des frégates et de lui proposer de nouveau « d’employer l’Empereur comme général, uniquement occupé du désir d’être utile à la patrie. » Sur la demande expresse de Napoléon, Beker ajouta : « Sa Majesté désire être autorisée à communiquer avec le commandant de l’escadre anglaise, si des circonstances rendent cette démarche indispensable tant pour sa sûreté personnelle que pour épargner à la France la douleur et la honte de voir l’Empereur enlevé de son dernier asile et livré à la discrétion de ses ennemis. »

Fouché et ses collègues ne songeaient guère à défendre Paris et moins encore à employer pour cette défense l’épée de Napoléon. L’Empereur conservait sur leurs sentimens de bien surprenantes illusions. Mais il ne s’abusait pas sur sa propre position. Déjà il n’y voyait d’autre issue digne de lui que de se livrer librement à l’Angleterre.

Le prince Joseph, Gourgaud, le général Lallemand avaient

  1. Du 27 au 30 juin, le Bellérophon avait avec lui le Céphalus et le Myrmidon ; le 1er juillet, aucun bâtiment ; du 2 au 5 juillet, la Phœbé ; du 6 au 9, le Staney et le Myrmidon ; le 10, le Myrmidon et le Fulmouth ; le 11, le Slaney et le Myrmidon ; du 12 au 14, le Slaney, le Cyrus (au phare des Baleines) et le Myrmidon (à Maumusson) ; le 15, le Myrmidon et le Cyrus.