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L’artillerie qui n’est pas affectée à cette tâche continue à opérer comme par le passé. Toutefois, la concentration des feux sur un même but, au lieu d’être réalisée par le groupement d’un grand nombre de pièces sous le même commandement, doit être plutôt recherchée par la convergence sur un même objectif des feux de batteries éloignées les unes des autres.

L’application de cette méthode est encore difficile. Elle n’entrera réellement dans la pratique que lorsqu’on aura pu fournir à l’artillerie les moyens de faire communiquer entre elles des batteries en position éloignées les unes des autres.

Il n’est pas jusqu’aux profils des ouvrages de campagne qui n’aient dû être modifiés. Les reliefs sont évités, les tranchées sont étroites et profondes. Elles sont quelquefois complétées par des créneaux au ras du sol dissimulés par des branchages. Il est bon de leur donner un développement très supérieur à l’effectif des défenseurs, pour permettre à ceux-ci de changer de position, d’après les points de chute des projectiles. La rapidité avec laquelle des régions entières peuvent être solidement retranchées, semble donner aux fortifications éventuelles une importance jusqu’à ce jour réservée aux forteresses.

Bien d’autres changemens devraient être indiqués, tels que : les opérations de nuit des grandes unités avec emploi de projecteurs électriques[1] ; l’impossibilité de relever les blessés sur la ligne de feu, ce qui modifie complètement le fonctionnement du service de secours de première ligne. Mais ce serait trop étendre cette étude déjà longue.

L’évolution actuelle de la tactique est loin d’être achevée. Bientôt apparaîtront d’autres engins de destruction entraînant d’autres modifications.

Tous les chefs doivent être convaincus qu’il n’est ni règles fixes ni formules donnant la victoire. « L’art de la guerre, a dit le général von der Goltz, dans l’étude précitée, est un sphinx qui se plaît à décevoir celui qui l’interroge et est incapable de résoudre l’énigme par lui-même. » C’est avec son bon sens et son cœur que le combattant doit trouver la solution des problèmes que la situation lui impose.

Tout ce qui vient d’être exposé montre l’importance croissante que prend la valeur des cadres inférieurs. Leur niveau

  1. Les Anglais ont actuellement deux projecteurs par corps d’armée.