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hommes qui ne tirent pas se tiennent alors couchés contre la ligne de feu, prêts à intervenir. Mais il est évident que, dans les crises, il ne peut être donné aucun conseil, chacun devant faire ce que lui dictent son jugement et son énergie.

Depuis longtemps, il est partout répété que, pour avancer, une troupe doit prendre la supériorité du feu sur celle qui lui est opposée. Mais qu’entend-on par supériorité du feu ? Elle réside dans ce fait qu’à un moment donné, les projectiles qui, tout à l’heure, frappaient le sol autour des tireurs, passent très haut. C’est que l’adversaire, soit faute de moral, soit que le tir fait éprouvé, s’est rasé sur le sol, n’ose plus lever la tête et tire en l’air. Or c’est l’indépendance et l’espacement des essaims qui permet d’obtenir ce résultat. La supériorité du feu est difficile à prendre dans une fusillade de front, et le nombre des fusils mis en ligne n’est pas, comme on pourrait le croire, un élément décisif. Il peut se faire que 100-150 fusils soient incapables de prendre la supériorité du feu sur 20 fusils placés en face d’eux à 400-500 mètres, à plus forte raison, plus loin. Cela vient de ce que le soldat prend ses dispositions pour s’abriter au mieux du feu dont il sent la direction. Ce feu peut alors augmenter en intensité sans qu’il en soit très impressionné. Au contraire, si, étant abrité des coups qui lui viennent de front, il éprouve le sentiment qu’il reçoit en même temps des coups d’écharpe, comme il ne peut que fort rarement s’abriter dans deux directions à la fois, il reculera ou bien se rasera sur le sol. Il suffit de très peu de projectiles venant d’écharpe pour produire cet effet sur une ligne de feu quelquefois fort longue.

Il est donc facile de comprendre que, lorsque des essaims de tirailleurs, profitant du terrain ou des circonstances favorables, auront pu, en avançant, se placer en saillant par rapport à l’ensemble de la ligne de feu, ils prendront, par cela même, d’écharpe une fraction de la ligne ennemie et assureront ainsi à leurs voisins la supériorité du feu, d’une manière peut-être inconsciente, mais à coup sûr efficace.

C’est l’application du principe de notre règlement du 12 juin 1875 : « Translation forcée du combat sur la ligne de tirailleurs, autrefois chargée seulement de la préparation. »

La ligne de combat subit des pertes, use ses munitions. Elle doit être renforcée et ravitaillée en cartouches. Des fractions constituées, prises dans les réserves, lui sont amenées par les