Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 20.djvu/117

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’en rend compte. Ne pouvant utiliser l’arme blanche, il va changer sa tactique. Le renseignement que la vue ne lui permet pas de rapporter, sa carabine va le lui donner.

Assistons par la pensée à une prise de contact. Recevant des coups de feu sans savoir d’où ils viennent, la reconnaissance s’est abritée. Une fraction met pied à terre. Toutefois un homme sur quatre reste à cheval. Les trois autres chevaux sont attachés au premier, ce qui, tout à l’heure, va permettre de les ramener au galop, à leurs cavaliers. Maintenant, ce sont les cavaliers tirailleurs qui se faufilent de buisson en buisson, d’abris en abris, et s’avancent, sans tirer, dans la direction probable de l’ennemi. Leurs flancs sont surveillés par des camarades restés à cheval, en vedette. S’ils ont pu gagner un point d’où la vue s’étend au loin et qu’ils ne reçoivent plus de coups de feu, leurs chevaux, sur un signal, sont amenés au galop et le mouvement en avant est repris. Probablement l’ennemi n’avait là que quelques éclaireurs. Mais plus loin, en répétant le même jeu, la fusillade a éclaté de nouveau. Cette fois, vu la courte distance, on se rend à peu près compte de son origine. Alors le groupe resté à cheval, précédé par ses éclaireurs, cherche à gagner le flanc de l’ennemi et, s’il y réussit, il attaque. Une action de flanc, combinée avec une action de front, fera presque toujours plier l’adversaire, et l’assaillant, gagnant de proche en proche, atteindra ainsi une ligne de résistance plus sérieuse. Ce sera le cas, lorsque le groupe exécutant le mouvement tournant sera à son tour arrêté par la fusillade. Alors interviennent des unités plus fortes, avec du canon, toutes les fois qu’on en aura sous la main, car on ne peut pas perdre du temps à l’attendre. Ces unités chercheront soit l’aile de l’adversaire, soit un espace libre permettant de pénétrer et d’attaquer dans le flanc ou dans le dos la fraction de l’ennemi qui aura été contenue par le combat de front.

Si, comme il faut s’y attendre, la cavalerie doit compter avec un adversaire qui, en marche comme en station, s’enveloppe d’un rideau difficile à percer, alors elle ne pourra indiquer que le contour apparent formé par ce rideau à telle heure de la journée, sans pouvoir en déterminer la composition ni la force.

A moins de faire entrer en action les autres armes, on ne peut plus lui demander davantage. Savoir que l’ennemi n’occupe pas tel point, n’est-ce pas déjà un renseignement de grande valeur que la cavalerie pourra toujours donner ?