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nous ne serions pas obligés d’effectuer la nôtre pour ce seul motif. Notre situation à l’égard de la Russie ne ressemble pas, en effet, à celle de l’Angleterre à l’égard du Japon. L’Angleterre a un engagement ferme, celui d’intervenir si son allié a affaire à la coalition de deux adversaires. Nous n’avons, nous, aucune obligation de ce genre ; nous n’en avons même d’aucun genre, excepté bien entendu celle qui découlerait de nos propres intérêts, c’est-à-dire celle que nous nous imposerions spontanément.

Peut-être est-il bon d’entrer à cet égard dans quelques détails. La question s’est posée dans beaucoup d’esprits, et on a même dit un moment qu’elle allait être portée à la tribune, de savoir ce que nous pourrions être obligés ou amenés à faire. Obligés, nous ne le sommes à rien ; amenés, cela dépendra des événemens. Mais on comprend combien toute discussion de ce genre serait aujourd’hui déplacée dans une assemblée politique. Qui peut prévoir comment tournera la guerre qui commence, et qui probablement sera longue ? Qui peut dire à quelles éventualités, non seulement la France, mais toutes les Puissances auront à pourvoir ? Qui peut annoncer ce qu’il fera ou ce qu’il ne fera pas ? Nous sommes libres par les traités ; ne nous engageons ni dans un sens, ni dans l’autre, par des paroles prématurées.

M. Denys Cochin avait eu d’abord l’intention d’amener M. le ministre des Affaires étrangères à la tribune et de lui poser là quelques questions : il n’a pas tardé à y renoncer, et on ne peut que l’en approuver. Il est d’ailleurs allé voir M. Delcassé et il a demandé à M. Ribot de se joindre à lui dans cette démarche. Que lui a dit M. Delcassé ? Il lui a dit n’avoir rien à ajouter aux explications publiques qu’il lui avait déjà données au mois de mars 1902, après la publication de la note franco-russe de cette époque. Ce qui était vrai alors l’est encore maintenant : il n’y a rien de plus, ni rien de moins. La note franco-russe du 19 mars 1902 était la contre-partie du traité russo-japonais du 30 janvier ; elle lui faisait pendant en quelque sorte ; elle n’avait pourtant pas le même caractère. Par le traité, l’Angleterre et le Japon prenaient l’engagement réciproque de se prêter main-forte dans certaines hypothèses. Il n’y a rien de semblable dans la note. Au surplus, en voici le texte, qui précise le sens et la portée du traité anglo-japonais avant de passer au point de vue franco-russe :

Les gouvernemens alliés de la France et de la Russie ayant reçu communication de la convention anglo-japonaise du 30 janvier 1902, conclue dans