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conquérir. On remarquait, en outre, que la médecine obtiendrait dans l’Université Gresham une prépondérance excessive. On avait trouvé large jusqu’au ridicule le plan de l’Association for promoting a teaching University in London, qui embrassait toutes sortes d’institutions disparates : on jugea étroit jusqu’à l’absurde le projet de charte qui enfermait l’Université dans un coin du monde scolaire londonien.

La commission du Conseil privé chargée de l’examen rejeta la charte comme impraticable. Pourtant, elle contenait de précieux élémens ; elle mettait en lumière l’idée, très juste et généralement admise, que les professeurs sont les mieux placés et les mieux qualifiés pour juger de l’intelligence et des progrès de leurs étudians ; que la condition la meilleure pour assurer ces progrès et l’avancement de la science elle-même est dans les relations journalières, continues, intimes des maîtres entre eux et des maîtres avec les élèves ; qu’en un mot, l’Université serait « locale » ou ne serait pas du tout.

Quand même la charte, présentée par University College et Kings College, n’aurait pas plaidé ces thèses excellentes, elle aurait eu, en tout cas, le singulier mérite de remettre la question à l’ordre du jour. C’est vers ce temps, en effet, que fut nommée la seconde commission royale chargée d’étudier le projet d’Université enseignante (30 avril 1892). Elle se composait du comte Cowper, de lord Reay, de l’évêque Barry, du professeur Sidgwick et de plusieurs autres notabilités scientifiques et pédagogiques de premier ordre. Après avoir comparé les différens systèmes, pesé les objections, recueilli les témoignages et tenu compte des travaux antérieurs, cette commission rédigea, en 1894, son rapport, qui est un monument de patience, d’honnêteté et de raison, et qui devait servir de base à l’organisation définitive de l’Université.

Je ne puis analyser ce beau rapport chapitre par chapitre, mais j’en indiquerai en peu de mots le caractère général ainsi que la solution donnée aux grandes questions préliminaires. La commission Gresham (c’est ainsi qu’on la nommait, à cause du projet qui avait motivé sa convocation) se montrait éclectique dans son esprit et dans sa méthode. Avec une sagesse presque aussi rare chez les assemblées délibérantes que chez les individus, elle s’était dit, dès le début, qu’il devait y avoir quelque chose de vrai et de bien fondé dans chacune des théories contradictoires