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University College et de Kings College se réunirent pour présenter un projet de charte qui eût créé une seconde Université à Londres, sous le nom de Gresham University. Pourquoi ce nom ? Sir Thomas Gresham a été une des figures les plus caractéristiques de la grande époque d’Elisabeth. Il fut le type de ces marchands pleins d’audace, de patriotisme et de génie qui ont fait ou, du moins, qui ont commencé l’Empire britannique. C’est à lui que Londres doit son Stock Exchange et son Gresham College, qui eût été, en effet, une véritable université, si l’institution, fondée avec les fonds légués par Gresham, avait évolué et s’était développée avec le temps. Mais le salaire des professeurs est resté tel qu’il avait été fixé d’après les conditions économiques de l’an 1600, et l’on devine la conséquence. Aujourd’hui une heure de causerie hebdomadaire, donnée par des conférenciers de troisième ordre, à un auditoire d’ignorans, a remplacé l’enseignement continu et quotidien dont Gresham avait tracé le programme. Quant au legs, il avait produit une richesse considérable, qui s’accumulait dans les mains des trustees et qu’ils employaient à d’autres usages. L’idée était venue de reprendre à la fois, dans l’intérêt du haut enseignement à Londres, la pensée, le nom et l’argent de Thomas Gresham.

Les deux collèges qui proposaient la charte, unis aux dix écoles de médecine attachées aux grands hôpitaux, devaient former le noyau de la nouvelle Université, qui aurait le droit, parallèlement et concurremment avec l’ancienne, de faire passer des examens et de délivrer des diplômes. C’étaient les professeurs de ces établissemens qui devaient exercer sur la conduite des uns et l’obtention des autres un contrôle direct et absolu.

Ce projet rencontra une opposition presque universelle dans le Sénat et la Convocation de l’ancienne Université, dans la Chambre des communes, dans la presse et le public spécial qui s’intéresse à ces questions, jusque dans le personnel des deux collèges qui avaient élaboré la charte. Quoi ! disait-on, deux universités rivales, qui se combattraient et s’affaibliraient l’une l’autre, dont les degrés, plus ou moins inégaux en valeur, se disputeraient la faveur des étudians pour aboutir, peut-être, à une commune déconsidération, car la concurrence a pour résultat inévitable l’avilissement de toute marchandise offerte au public ! Nul ne pouvait affirmer que le dernier mot ne resterait pas aux examinateurs les plus coulans et aux degrés les plus faciles à