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la masse et par la réunion de nombreuses batteries, les pertes produites par les projectiles de l’ennemi augmentant à proportion que nos pièces sont plus rapprochées les unes des autres. Là aussi, il y a une limite, lorsque l'augmentation du nombre n’augmente pas la force, mais augmente seulement les pertes.

« Pour calmer les esprits rendus anxieux par ces preuves répétées, que le simple groupement de masses d’hommes et de matériel ne suffit plus maintenant à rassurer et qui tremblent pour notre système militaire et nos énormes armées, nous ajouterons que l’importance du nombre, à la guerre, ne doit pas être méconnue, ou considérée comme une divergence avec ce qui vient d’être exposé. La guerre sud-africaine nous a donné en même temps la preuve la plus convaincante de ceci : que la cause essentielle du succès des Anglais provient de leur grande supériorité en hommes et en matériel de guerre. Le proverbe français est toujours juste : « Le bon Dieu est avec les gros escadrons. »

« Nous disons seulement que la décision ne peut plus maintenant être obtenue par le simple nombre de fusils et de canons employés, sur un point quelconque du champ de bataille, et aussi que les résultats dans une guerre future n’en dépendront pas. Plus que par le passé, les résultats dépendront d’une habile répartition des troupes sur le champ de bataille.

« Plus importante encore que la géniale conduite des masses sur la scène de la bataille, sera la prévision de la manière dont elles pourront être déployées pour faire de leurs armes le meilleur emploi possible.

« Celui qui comprend comment on peut contenir la masse de l’ennemi avec une partie de ses forces, et garder en main le restant de ses troupes pour un usage indépendant, gagnera la partie, comme Napoléon à Austerlitz.

« Ceci nous amène à une autre leçon, presque aussi importante, de la guerre boer. C’est la force défensive extraordinaire qui s’est dévoilée contre les attaques de front directes, même quand le front n’était que faiblement occupé. La rapidité du feu de nos armes à répétition compense jusqu’à un certain point la faiblesse du nombre. Apparemment, nous pourrons aller plus loin que nous ne le pensions autrefois dans l'application du principe de l’économie des forces pour tenir les positions défensives. Les Boers en ont fait une application heureuse. Dans tous