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son point d’attaque, accumule ses moyens d’action sur ce point, mène un combat d’usure, et, quand il juge la préparation suffisante, il lance l’attaque décisive.

A la lecture, ce procédé paraît simple et pratique ; dans tous les cas, il est clair. Mais les théoriciens ont omis d’indiquer le moyen dont peut disposer le chef pour reconnaître que l’attaque décisive est suffisamment préparée. Ils sont en effet dans l’impossibilité de le faire. Si le feu de l’ennemi se ralentit ou même cesse tout à fait, est-ce là un signe certain ? Évidemment non. L’ennemi peut réserver son feu, comme l'ont fait les Turcs à Plewna, les Boers à Maggersfontein et ailleurs.

Une artillerie dissimulée derrière une crête et jusque-là insoupçonnée, par conséquent intacte, peut soudainement ouvrir le feu. L’ennemi peut être établi solidement en arrière de la crête militaire, de telle sorte qu’il n’ait rien à craindre de la préparation de l’attaque, comme les Allemands l’ont mis en pratique au parc de Villiers, le jour de la bataille de Champigny. Alors, c'est le désastre certain, analogue à ceux dont on pourrait citer tant d’exemples, depuis celui de l’attaque de la Garde prussienne à Saint-Privat, le 18 août 1870, jusqu’à l’attaque des Anglais à Maggersfontein, le 15 décembre 1899.

En réalité, une troupe ne sait que son attaque était suffisamment préparée que quand elle a pénétré dans la position. Les attaques ne sont appelées décisives qu’après qu’elles ont réussi.

II

Dans les journées du 1er au 6 mai 1902, l’empereur Guillaume passait, sur le terrain de manœuvres de Tempelhof, l’inspection de l’instruction de combat de l’infanterie, d’une partie des troupes de la Garde. C’était la première fois qu’une tactique nouvelle, issue des enseignemens de la guerre sud-africaine, était appliquée.

Une note impériale, expliquant, sur ce sujet, les vues du haut commandement, avait été préalablement adressée à tous les commandans de corps d’armée.

La partie du terrain où se passait l’inspection a la forme d’un trapèze d’environ 1 400 mètres sur 1 800 mètres et dont les bases sont orientées Est-Ouest. Dans l’angle Nord-Est, se trouve un bois, habituellement occupé par le parti servant de plastron