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d’opérations » commerciales ; les possessions tropicales enfin sont inhabitables pour l’Européen et ne seront jamais que des colonies d’exploitation. Ainsi, lorsqu’on étudie la puissance anglaise dans le Pacifique, il est nécessaire de distinguer entre les différentes parties de l’Empire ; elles pourraient être très prospères, chacune dans sa sphère, sans que la Grande-Bretagne en recueillît d’autre bénéfice que la gloire un peu creuse de leur avoir donné, avec la vie, sa langue et sa civilisation.

C’est l’Australie qui a repris pour son compte, aux antipodes de la mère patrie, les traditions d’impériale ambition et de domination sur les mers. Avant même de s’être fédérées, les colonies australiennes ont, à maintes reprises, signifié à Londres qu’elles entendaient exercer un contrôle sur toutes les îles de l’Australasie ou de la Polynésie et que, si elles souffraient avec peine, provisoirement, que quelques-unes d’entre elles fussent aux mains d’autres puissances européennes, elles entendaient, du moins, ne point permettre que la France ou l’Allemagne pussent faire, dans le Pacifique, aucune annexion nouvelle. C’est ainsi qu’elles ont déclaré qu’elles n’admettraient pas que la France s’établît définitivement dans les Nouvelles-Hébrides, où cependant ses colons sont en majorité. On ne cache pas, du reste, en Australie, que l’on considère la Nouvelle-Calédonie et les îles voisines comme destinées à revenir, un jour ou l’autre, à la nouvelle république. L’ardeur des jingoes de Sydney ou de Melbourne va même jusqu’à réclamer toute la Nouvelle-Guinée et toute la Malaisie hollandaise. Cet impérialisme australien est d’autant plus intransigeant qu’il est moins coûteux : le Commonwealth, en effet, n’a ni armée ni marine ; c’est la mère patrie qui entretient une escadre dans les eaux australiennes ; lors de la guerre du Transvaal, le loyalisme des colonies s’est bruyamment manifesté par l’envoi de plusieurs corps de volontaires, qui ne donnèrent pas, pendant la campagne, les meilleurs exemples de discipline et d’endurance : autre chose est de conquérir le monde sur le papier, autre chose de faire la guerre.

Quelque prospère qu’elle soit, la Fédération australienne ne représente donc pas dans le monde une puissance de taille à justifier ces vastes ambitions. Les écrivains anglais, comme M. Colquhoun, pour se consoler des progrès gigantesques que les Yankees font dans le Pacifique, prédisent volontiers que la domination du Grand Océan appartiendra aux deux démocraties