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Les vallées du San Joaquin et du Sacramento sont devenues d’admirables vergers où les pruniers, les vignes, les pommiers, donnent des récoltes merveilleuses ; un chemin de fer, bientôt suivi de plusieurs autres, unit les côtes de l’Atlantique à celles du Pacifique, Dans ce far west, un peuple nouveau s’est formé, américain par le cœur et par le sang, mais très différent des hommes du New-York, du Massachusetts ou des Carolines : batteurs d’estrade ou chercheurs d’or, venus des États de l’Est ou débarqués d’Europe, aventureux parmi les aventureux, audacieux parmi les audacieux, ils sont comme le produit d’une sélection d’énergie ; ils incarnent « tout ce qu’il y a de plus américain dans le caractère américain. » C’est cette race au robuste appétit qui revendique aujourd’hui le Pacifique comme son domaine et qui commence à en prendre possession.

Dans son discours de Watsonville, au mois de mai dernier, le président Roosevelt déclarait, aux applaudissemens des hommes de l’Ouest, que la domination du Grand Océan était réservée aux États-Unis. Un sentiment intense de leur puissance d’action et de leur capacité de travail, une foi ardente, une confiance mystique dans leur mission providentielle et, en même temps, un sens pratique très aigu des intérêts et des opportunités, ne sont-ce pas là, en effet, les qualités qui font les grands peuples dominateurs, qui leur communiquent la fièvre de la conquête et l’ivresse des vastes espoirs ? Le Pacifique devenu une Méditerranée américaine, une Méditerranée à la taille des États-Unis, c’est un rêve qu’une imagination de l’Ouest était seule capable de concevoir, et que peut-être les énergies de l’Ouest seront capables de réaliser. A San Francisco, quelques jours après son discours de Watsonville, le président Roosevelt précisait et expliquait sa pensée :


La situation géographique qu’occupent les États-Unis dans le Pacifique est de nature à assurer dans l’avenir notre domination pacifique dans ses eaux, si nous saisissons seulement avec une fermeté suffisante les avantages que comporte cette situation. La marche des événemens qui nous donnèrent les Philippines avait un caractère providentiel.

Le meilleur moyen d’avoir la paix est de faire voir que la guerre ne nous effraye pas. C’est pourquoi les États-Unis doivent se pourvoir d’un plus grand nombre de cuirassés du meilleur modèle.


En attendant l’heure des grandioses conquêtes, les États-Unis ont déjà posé, à travers le Pacifique, les jalons de leur futur