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rappeler Louis XVIII, que Fouché, d’accord avec Davout, comptait, ce matin même du 27 juin, soumettre à la Commission exécutive pour être portée devant les Chambres, risquait d’exciter dans le Parlement et dans le pays une révolte contre le Gouvernement provisoire et un revirement en faveur de Napoléon. Si l’Empereur était déjà loin de Paris, sur le chemin de Rochefort, la Commission aurait le temps d’agir avant qu’il ne pût profiter de ce retour de la Fortune.

Donc, Decrès reçut ce matin-là (27 juin), vers onze heures, une lettre de Fouché l’autorisant à regarder comme nulles les dispositions restrictives de l’article 5 et l’invitant à se rendre sur-le-champ à la Malmaison pour faire part à l’Empereur de cette nouvelle décision et le presser de se mettre en route. Accouru à le Malmaison, Decrès communiqua cette lettre à l’Empereur, qui déclara qu’il était prêt à partir.

Mais deux heures ne s’étaient pas écoulées depuis que Decrès avait pris congé, quand une dépêche de lui arriva à la Malmaison « En retournant à Paris, écrivait le ministre, j’ai rencontré vis-à-vis l’Elysée un courrier qui m’a remis une dépêche du duc d’Otrante, laquelle porte textuellement ce qui suit : « D’après les dépêches que nous avons reçues ce matin, l’Empereur ne peut partir de nos ports sans sauf-conduit. Il doit attendre ce sauf-conduit en rade. En conséquence, l’arrêté d’hier reste dans toute son intégrité, et la lettre que nous avons écrite ce matin pour annuler l’article 5 est nulle. Tenez-vous au texte de notre arrêt d’hier. »

Les dépêches ou plutôt la dépêche à quoi Fouché faisait allusion était celle que La Fayette et ses collègues avaient écrite à Laon la veille au soir, 26 juin, et qui, arrivée presque à l’issue de la séance extraordinaire de la Commission, venait de faire ajourner la reconnaissance du Roi, proposée par Davout. Les plénipotentiaires déclaraient en écervelés que la France serait laissé » libre pour le choix de son gouvernement et qu’ils avaient bon espoir dans les négociations. Ils ajoutaient : « Des conversations que nous avons eues avec les aides de camp de Blücher, il résulte, et nous avons le regret de le répéter, qu’une des grandes difficultés sera la personne de l’Empereur. Ils pensent que les puissances exigeront des garanties afin qu’il ne puisse reparaître jamais sur la scène du monde. Ils prétendent que leurs peuples mêmes demandent sûreté contre ses entreprises. Il est de notre