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Mais le dimanche suivant, l’œuvre, encore mieux connue et peut-être aussi mieux exécutée, les jeta dans de plus vifs transports. « Siamo innamorati, « s’écrièrent-ils : le charme s’était changé en amour.

Cet amour, le Saint-Père fait plus que l’escompter : il le réclame comme le complément nécessaire et la perfection de l’obéissance. « Quand l’amour, dit-Il, entre dans l’accomplissement du devoir, tout se fait avec plus d’entrain et avec un fruit plus durable. » Aussi bien il s’agit ici d’un immédiat et rigoureux devoir. Hormis un délai de tolérance, accordé par une décision plus récente à la nécessité d’achever la publication des éditions grégoriennes, les instructions pontificales ne permettent pas d’attendre. Elles ne permettent pas non plus de discuter : elles ne donnent pas des avis, mais des ordres, et suivant une formule qui les résume, elles constituent « le code juridique de la musique sacrée. »

Autant que l’objet et l’esprit d’un si grand changement, elles en indiquent les moyens et jusqu’à la sanction. Désormais, dans l’enseignement des séminaires et des instituts ecclésiastiques, une part importante sera faite à la musique religieuse ; les jeunes clercs devront être partout formés, non seulement à la connaissance théorique, mais à la pratique et à l’exécution du chant grégorien et de la polyphonie palestrinienne. Auprès du plus grand nombre d’églises possible, des Scholæ cantorum seront fondées ou rétablies, afin d’assurer le recrutement et l’éducation des chanteurs, ainsi que la tradition des chefs-d’œuvre anciens, afin de favoriser aussi la composition d’œuvres nouvelles conformes à l’idéal d’un art vraiment religieux. Enfin, — et cette prescription, qui n’est pas la moins importante, ne sera pas non plus la moins efficace, — pour garantir la pureté musicale de la liturgie, les évêques sont tenus, s’ils ne l’ont déjà fait, « d’établir dans leurs diocèses des commissions spéciales composées de personnes vraiment compétentes en matière de musique sacrée : ces commissions auront charge, dans les formes qui paraîtront les plus convenables, de veiller sur la musique qui sera exécutée dans les églises. »

Il semble bien, comme nous le disions plus haut, que les artistes chrétiens aient le droit d’être heureux et le devoir d’être reconnaissans. Ils attendaient beaucoup du nouveau Pontife : il leur a donné davantage. C’est à eux maintenant, à eux tous, d’user de ses dons et de montrer qu’ils ne les ont pas reçus en vain. Une grande réforme est ordonnée et définie : il n’y a plus qu’à l’accomplir.


CAMILLE BELLAIGUE.