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qu’il permet et plus encore pour ce qu’il proscrit. De telles décisions fixent la musique d’église et ne la figent point. Elles en préviennent les erreurs et les écarts, sans en gêner le mouvement et la vie. Elles lui procurent la condition ou l’état le plus favorable : la liberté sous la loi.

C’est assez de cette loi — fidèlement observée — pour corriger tous les abus et rétablir en tout la vérité. Dans le temple redevenu le temple, rien du théâtre ou seulement du concert ne subsistera désormais. « La langue propre de l’Église romaine étant le latin, il est interdit de rien chanter en langue vulgaire. » Nous y perdrons le Noël d’Adam, le Crucifix et les Rameaux. Les textes liturgiques propres à chaque office, et ceux-là seulement, devant être mis en musique, sans que rien, dans leur teneur et dans leur ordre, soit changé, cela ne manquera pas de purifier, de simplifier et d’abréger fort heureusement le « programme » des grand’messes et des « saints. » Ou plutôt les offices ne comporteront plus de « programme ; » ils ne seront que les offices qu’ils doivent être, sans que rien de surérogatoire ou d’étranger les surcharge ou les altère. Plus de ces Kyrie, de ces Gloria, de ces Credo partagés en plusieurs numéros ; plus de psaumes en concert ; plus de ces Tantum ergo où — selon les expressions mêmes du Saint-Père — « la première strophe se compose d’une romance, d’une cavatine, d’un adagio, et le Genitori d’un allegro. »

Dans la musique liturgique, image ou symbole d’union et d’unanimité, il est de toute nécessité que le style choral prédomine. Le solo vocal, — et ceci est considérable, — n’y pourra donc figurer que par exception, et seulement comme une indication, comme une amorce ou comme une pointe mélodique[1], toujours étroitement liée au reste de la composition en forme de chœur.

Enfin le Motu proprio réduit avec raison la place et le rôle usurpé par les instrumens. L’orgue même est invité à la discrétion ; les préludes et les intermèdes sans fui lui sont interdits, et pareillement l’emploi d’un style trop souvent étranger soit à sa propre nature, soit à l’esprit de cette musique vocale qu’il est fait pour accompagner, mais pour accompagner seulement. Quant aux autres instrumens, l’usage en est restreint à des cas particuliers, sous la réserve de permissions expresses, et nous pouvons espérer que le violon et le violoncelle, la flûte, le hautbois et la harpe même nous prodigueront

  1. « Accenno o spunto melodico «