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milliard de l’indemnité chinoise n’a été qu’en partie semé sur le pays ; les capitaux étrangers sont de plus en plus maîtres de l’industrie et du commerce national. L’adoption de l’étalon d’or a profondément troublé le monde ouvrier. Le mouvement d’émigration s’est développé, et le gouvernement mikadonal a dû chercher, lui aussi, à l’enrayer ou à le canaliser.


Il avait une colonie, l’île de Yézo, échangée avec la Russie, en 1805, contre l’île Sakkaline. Yezo ou Hokkaïdo a 77 022 kilomètres carrés et une population autochtone de 18 000 Aïnos, dont la crue annuelle ne dépasse pas 500. Mais le climat de cette île, sous la même latitude moyenne que Vladivostock, est très analogue à celui de la France, et ne convient nullement aux habitudes invétérées de travail et d’hygiène dont les Japonais paraissent impuissans à se défaire. Aussi, malgré les efforts de leur gouvernement d’abord, puis d’une société de colonisation dirigée par le vicomte Enomoto, un cinquième du maigre contingent annuel des arrivans nouveaux reflue régulièrement sur les pays qu’ils avaient quittés. Yezo n’abrite jusqu’à présent qu’environ 606 000 Nippons, et ils y sont bien à leur aise, à raison de 8 êtres de leur race par kilomètre carré.

Depuis le traité de Simonosaki (1895), l’empire du Soleil Levant possède Formose et les Pescadores. Mais déjà vivent, sur les 29 terres du premier groupe, 2 729 503 Chinois, répartis au taux moyen de 78 à l’unité spécifique, sur 34 752 kilomètres carrés. Ces Chinois, sobres, endurans et industrieux comme tous leurs congénères, sont parfaitement adaptés au milieu tropical, et serrent si étroitement leurs rangs que 16 321 Japonais seulement ont pu se faire place dans leur conquête. La plupart sont fonctionnaires ou employés dans des exploitations sucrières ou camphrières créées par des compagnies de leur pays, qui, d’ailleurs, ont économie à employer la main-d’œuvre chinoise. Aux Pescadores, la saturation est plus complète encore et le terrain est imperméable. Sur 47 îlots, mesurant 221 kilomètres carrés, s’entassent 51 719 Chinois, soit une densité de 234 au kilomètre carré. Aussi 700 Japonais à peine trouvent-ils à vivre dans cette fourmilière. Le Japon n’a donc de place à donner au trop-plein de sa population, ni dans sa colonie ancienne, ni dans les nouvelles.

L’Europe, l’Amérique et l’Océanie la lui fournissent-elles ? Les statistiques publiées par le Cabinet impérial de Tokyo répondent : non. Elles constatent qu’au 31 décembre 1898, 70 801 Nippons étaient fixés à l’étranger : 3 257, en Russie d’Europe ; 6 368, en Angleterre et