Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 19.djvu/666

Cette page a été validée par deux contributeurs.

bonheur de ces deux êtres qui se cherchent. Mais, comme si la flamme incestueuse qui dormait dans le tombeau des Atrides avec les trésors découverts par les deux hommes était vraiment venue empoisonner leurs âmes, Léonard ne peut plus enfermer dans son cœur la passion qu’il nourrit pour sa sœur, la pure Blanche-Marie. Il se confesse à Alexandre, sans se douter que l’homme à qui il parle est travaillé du même mal que lui. Il apprend enfin, par une confidence éperdue de l’aveugle, que cet Alexandre, à qui il vient de livrer un tel secret, est son rival. Qui va disparaître et, par son départ ou sa mort, dénouer le drame ? La jalousie de Léonard décide que Blanche-Marie sera la victime. Il emmène sa sœur dans la campagne ; il la fait mourir.

La Gloire, que M. d’Annunzio qualifie de « tragédie, » offre sûrement, elle aussi, une matière capable de soulever, chez le spectateur, l’émotion dramatique, puisqu’elle met en scène, dans le cadre d’une grande aventure politique, un meneur d’hommes épris d’une femme ambitieuse. Une créature superbe et impérieuse, sortie d’une antique lignée d’empereurs, Hélène Comnène, s’est fait épouser par un vieux tribun politique, Bronte, qui fut adoré du peuple. Mais Bronte touche à la fin de sa vie et de sa popularité. L’amour qu’il a pour cette femme d’appétits insatiables l’a compromis et ruiné. La Comnène n’aura pas la patience d’attendre qu’il meure. Déjà, elle est tournée vers l’astre levant, un jeune homme, celui-ci, Flamma, qui attire à soi les cœurs et les espoirs. Elle va à lui. Elle se promet, « s’il est capable d’oser. » Et, tout d’abord, elle lui immole Bronte, dont elle se débarrasse par le poison. Mais le succès de Flamma est de courte durée. Hélène le perd comme elle a perdu Bronte, par les mêmes moyens. Une troisième fois, la Comnène, qui n’a pas plus aimé Flamma que Bronte, mais qui n’est éprise que du succès, cherche à apercevoir le nouveau favori du peuple, pour trahir à son profit celui qu’elle a mis hors des routes de l’honneur. Elle va jusqu’à frapper Flamma comme elle a tué son prédécesseur, mais plus publiquement, plus effrontément encore, elle le poignarde sur un balcon, pour complaire à la foule et elle tend les bras vers l’émeute quand on lui crie : « La tête ! jette-nous sa tête ! »

D’un ordre de sentimens plus intime, le sujet du drame que l’auteur a intitulé la Gioconde, atteint, lui aussi, le spectateur aux sources mêmes de sa sensibilité