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29 juillet 1882, lorsque les partisans d’une intervention complète en Égypte et ceux de la non-intervention absolue se coalisèrent contre M. de Freycinet, préconisant une intervention restreinte, mais qui eût suffi pour empêcher la mainmise de l’Angleterre sur l’Égypte, et le mirent en échec par 417 voix contre 75. Ce fut surtout le 30 mars 1885, lorsque les députés, affolés par les nouvelles de Langson, renversèrent Jules Ferry. Celui-ci, le matin même de cette journée, avait présidé la première séance d’une commission formée par les délégués des puissances, et dont il n’avait arraché à l’Angleterre la constitution qu’à force de persévérance et d’énergie. La neutralité du Canal devait y être traitée à fond, les résultats des victoires anglaises à Alexandrie et à Tell-el-Kébir soumis à l’examen de l’Europe. Jules Ferry pouvait compter, — ce fut la première manifestation de la future alliance, — sur le concours de la Russie et, dans une certaine mesure, sur celui des deux puissances germaniques. Le vote de la Chambre bouleversa toutes ces combinaisons ; l’Angleterre recouvra sa pleine liberté d’action aussi bien en Égypte qu’en Indo-Chine, où elle se hâta d’opérer la conquête de la Birmanie, et en Afrique occidentale, où elle put contrecarrer à son gré le mouvement d’expansion française.

Pendant leur lutte contre Arabi-Pacha, bien que Lesseps eût obtenu de celui-ci qu’il se tiendrait éloigné du Canal, les généraux britanniques avaient occupé les établissemens de la Compagnie et suspendu le trafic international. Devant les protestations de Lesseps, ils réduisirent à quelques jours cette usurpation (20-24 août 1882). En fait, Lesseps avait obtenu un succès, de caractère tout personnel ; en droit, la question n’était pas résolue. La chute de Jules Ferry semblait en reculer indéfiniment la solution. Pourtant les négociations furent reprises par M. Flourens. Elles traînèrent en longueur, parce que, d’une part, l’Angleterre entendait réserver au Khédive, c’est-à-dire à elle-même, un droit exclusif de police sur le Canal et que, d’autre part, elle n’acceptait pas que la convention à intervenir pût être opposée « à aucune mesure qui serait nécessaire pour la défense de l’Égypte, » c’est-à-dire à l’occupation britannique (Propositions de lord Salisbury, 4 mai 1887). Vainement M. Flourens essaya de savoir par qui ces mesures seraient prises et qui serait juge de leur nécessité : il ne recueillit que des explications tendant à identifier le Khédive et « . son alliée » l’Angleterre.