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la plus marquée. C’est que nul, plus que lui, ne fut un chef d’école, un maître, et que nul, non plus, n’apporta dans l’accomplissement de sa mission des idées plus personnelles, plus arrêtées. Ses successeurs ne prétendirent ni à la même autorité, ni à la même influence. Tous ou presque tous, cependant, furent des artistes d’une rare valeur : Schnetz, Alaux, Robert-Fleury, Hébert, Lenepveu, Cabat, Eugène Guillaume, qui, depuis 1891, dirige la glorieuse maison, où il vint pour la première fois, il y a près de soixante ans, en qualité de grand prix de Rome, y trouvant des maîtres dont il parle aujourd’hui encore avec tant d’aimable gratitude.

Une place spéciale appartient à Schnetz, « au bon M. Schnetz, » comme on se plaisait à l’appeler. A un talent trop oublié, à de rares qualités d’homme et d’artiste, Schnetz, moins fantaisiste que Vernet, moins olympien que M. Ingres, joignait un véritable amour de la jeunesse, qui lui rendait sa sympathie, son affection. Très simple, en son particulier, très paternel, il se montrait, dès que surgissait une question où le bon renom de la France lui semblait impliqué, très soucieux de la résoudre à son honneur. C’est là, d’ailleurs, une tradition persistante à la Villa Médicis ; on a pu le constater une fois de plus, lors du récent et solennel centenaire, si brillamment célébré par les représentans de la France et de l’Italie et qui eût en quelque sorte, pi elle en avait eu besoin, donné à notre Ecole de Rome une consécration nouvelle.

Entre les deux directorats de Schnetz, il n’est que juste de rappeler celui d’Alaux, qui notamment a contribué par de fort belles œuvres à la décoration du palais du Luxembourg et auquel, ici même[1], M. Eugène Guillaume a consacré une étude, pleine d’aperçus et de souvenirs, sur l’art de la première moitié du XIXe siècle. Il y a rendu à son prédécesseur ce touchant hommage qu’à l’évocation de sa mémoire, il avait toujours senti se fortifier en lui « deux sentimens profonds : l’amour de ses maîtres, dont la meilleure part lui revient, et l’amour de la jeunesse, qu’Alaux savait inspirer par l’exemple. » Alaux fut directeur de l’Académie de France à la veille et au lendemain de la révolution de 1848, qui, dans toute l’Italie, à Rome surtout, suscita l’agitation la plus vive. En des pages singulièrement vivantes,

  1. Revue du 15 septembre 1890.