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lieu de croire qu’au moment où votre prédécesseur vous remettra l’administration de l’Académie, l’ordre le plus parfait régnera dans ce bel établissement, et j’ai la confiance que vous ne négligerez rien pour empêcher qu’il soit troublé à l’avenir... Je crois inutile de vous rappeler que, les deux établissemens académiques de Paris et de Rome étant unis par les liens d’un règlement commun, puisque les études des pensionnaires sont la continuation de celles de Paris et qu’elles doivent être soumises à la surveillance de l’Académie, il est à désirer que les relations que vous devez entretenir avec l’Institut ne soient jamais interrompues[1]. »

Il n’y avait guère de risque qu’Ingres manquât à une telle recommandation. Si jamais s’incarnèrent en un maître l’esprit et les traditions de l’Institut, c’était en celui qui, lors du très vif débat soulevé en 1863[2] par les restrictions apportées par le maréchal Vaillant aux prérogatives de l’Académie des Beaux-Arts, retrouvait, malgré son grand âge, toute sa juvénile ardeur pour écrire au ministre de Napoléon III : « Quant à l’enseignement, je ne reconnais à personne la prétention de se connaître assez en art pour se croire plus artiste que les artistes eux-mêmes, lorsque surtout ces artistes sont des membres de l’Institut. »

En toutes circonstances, Ingres ne cessa de protester contre toute atteinte aux traditions de l’Académie de France. C’est ainsi qu’avec une vivacité très grande, excessive peut-être, il s’éleva contre l’étendue donnée par certains pensionnaires à des projets de restauration de monumens antiques. Il leur reprochait de s’écarter des prescriptions du programme en laissant trop libre cours à leur imagination. L’Académie des Beaux-Arts intervint et chargea une commission spéciale d’étudier la question. Composée de Thévenin, Huyot, Petitot, Vaudoyer, A. Lellère, Guénepin et Lebas, rapporteur, cette commission se rangea à l’avis d’Ingres. Son rapport concluait ainsi : « Effectivement, les articles (du règlement), en imposant au pensionnaire, pour le travail de sa quatrième année, les dessins géométraux d’un monument antique de l’Italie, à son choix et avec l’approbation du directeur, plus le détail des parties les plus intéressantes au quart de l’exécution, explique clairement que c’est d’un seul monument qu’il s’agit et non de la réunion dans un même cadre d’un certain nombre de monumens d’époque et de style

  1. Archives de l’Académie de France.
  2. Décret du 15 novembre 1863.