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en faveur de pensionnaires qui, contrairement au règlement, s’étaient mariés pendant leur séjour à Rome, ou pour d’autres, qui avaient commis quelques incartades.

Pendant son directorat, Ingres eut à aplanir diverses difficultés d’un autre ordre. Le gouvernement de Louis-Philippe étant, à son début, injustement d’ailleurs, soupçonné d’affinités révolutionnaires, les rapports de l’Académie de France avec les autorités pontificales furent, à certains momens, assez tendus. Tantôt la police cherchait noise aux pensionnaires au sujet de leurs cartes d’identité dont elle se refusait à reconnaître la validité pour la durée de leur séjour. Tantôt il fallait composer avec le fisc au sujet de la culture de quelques tiges de tabac que s’était permise le concierge de la Villa Médicis. Une autre fois, incident plus grave, il s’agissait de l’arrestation illégale d’un pensionnaire de l’Académie. Le 30 octobre 1836, le comte de La Tour-Maubourg, ambassadeur de France près le Saint-Siège, écrivait à Ingres[1] : « Monsieur, le sieur Moscini, gouverneur d’Anagni, celui qui avait osé attenter à la liberté de l’un de MM. les pensionnaires de l’Académie royale de France, — ainsi que Son Eminence le cardinal secrétaire d’Etat de Sa Sainteté était venu me l’annoncer chez moi, le jour même où je demandai satisfaction de cet outrage, et me porter, en même temps, l’expression de son indignation et de ses regrets, — a été, sur ma demande, saisi et emprisonné au fort Saint-Ange, et je fus informé alors par une note officielle qu’il y était tenu à ma disposition.

« Après une détention qui m’a paru suffisante, le sieur Moscini a été destitué de son emploi ; une seconde note officielle du secrétaire d’Etat m’apprend que mes vœux ont été satisfaits en ce point comme à l’égard de l’emprisonnement et m’annonce, de plus, que le gouvernement va donner connaissance du fait aux délégats de Sa Sainteté dans les provinces et aux gouverneurs des villes. Je l’avais demandé ainsi, afin que tous les agens de l’administration pontificale, informés de l’attentat et du châtiment, comprissent comment ils devaient se comporter envers nos compatriotes. »

A Rome, Ingres eut à s’occuper d’autres questions moins fastidieuses que de semblables démêlés. Ainsi lui fut-il donné de témoigner, à diverses reprises, non sans éclat, toute la ferveur

  1. Archives de l’Académie de France.