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Médicis, dans la remarquable décoration des appartemens du second étage. Agrandi, orné d’incomparables objets d’art, le palais du Pincio, après être resté pendant cent soixante ans la propriété des Médicis, passa, après leur extinction en 1737, à la maison de Lorraine, qui s’y intéressa fort peu et chercha à s’en défaire. Quand le traité de Lunéville eut érigé l’ancien grand-duché de Toscane en royaume d’Etrurie au profit d’un Bourbon de Parme, que devait, d’ailleurs, à courte échéance, remplacer Élisa Bonaparte, cet éphémère souverain consentit volontiers à l’échange de la Villa Médicis contre le palais Mancini, jusque-là occupé par l’Académie de France. La convention relative à cet échange fut signée, le 25 brumaire an XI, par le général Clarke, ministre de la République française à Florence (plus tard ministre de la Guerre et duc de Feltre) et par le chevalier Mozzi, ministre des Affaires étrangères du royaume d’Etrurie.

Il y avait longtemps, lorsque la France en prit possession, que la Villa Médicis était dépouillée des chefs-d’œuvre qui avaient été son illustre parure et qui, pour la plupart, sont maintenant à Florence, aux Uffizi. Dès 1685, dom Michel Germain écrivait à dom Placide Porcheron : « Les gens du Grand-Duc ont surpris le Pape, lui demandant d’emporter de la Villa Médicis quelques restes de figures anciennes gâtées. Ils ont emporté tout d’un coup ce qu’il y avait de plus beau, ce dont les Romains ne sont pas contens. » C’est même à la suite de cet enlèvement qu’un bando pontifical, plusieurs fois renouvelé et qui a pris place dans la législation italienne, « défendit à qui que ce fût de vendre sans la permission du Pape, de transporter, d’emballer, d’encaisser ou disposer d’autres vaisseaux pour y mettre des statues, peintures, marbres anciens, médailles, joyaux, etc. »

Toute dépouillée qu’elle fût de son ancienne splendeur, la Villa Médicis, avec ses sobres et harmonieuses façades, ses campaniles qui dominent la Ville Éternelle, ses vastes appartemens, ses fontaines aux eaux sans cesse jaillissantes, ses jardins aux allées ombragées et charmantes, évocateurs des bois sacrés chers aux Muses, restait encore une des plus belles résidences de Rome, autrement propice pour ses nouveaux habitans au recueillement de la pensée et aux longues séances laborieuses que le palais du Corso où, si longtemps et si souvent, les échos du dehors étaient venus distraire les jeunes pensionnaires de leurs études. Parmi ceux qui ont connu « ce séjour incomparable de la