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les chefs-d’œuvre de l’antiquité. Vous voudrez bien procurer à ceux que leurs études appelleront dans l’Etat où vous êtes placé, toutes les facilités dont ils pourront avoir besoin pour remplir l’objet de leurs voyages. Le citoyen Suvée, directeur de l’Ecole des Arts, à laquelle ces élèves sont attachés, mérite en particulier tout l’intérêt des agens de la République par ses qualités personnelles, par ses talens distingués et par l’importance de la place qu’il va remplir... »

Dans une lettre, du 6 vendémiaire an X, le président de l’Institut exprimait, lui aussi, à Suvée, en faisant l’éloge « de ses lumières, de ses travaux, de son expérience, » les vœux les plus sympathiques, les plus chaleureux, pour l’entier succès de sa mission. Suvée avait prévu que celle-ci serait laborieuse et délicate ; il n’avait pu en mesurer toutes les difficultés. Lorsqu’il se mit à l’œuvre, il avait dépassé la soixantaine. A l’accomplissement de la tâche qu’il avait ambitionnée et qu’il réussit à mener à bien, il usa ce qui lui restait de force et de vie.

Ce n’était pas une mince affaire que de réorganiser l’Académie de France. Pour avoir une idée de l’état lamentable du palais Mancini, depuis qu’il avait été pillé par la populace, il suffirait de consulter l’inventaire dressé à Rome même, en 1797, par l’architecte Sublayras ; il montre combien y subsistait peu de chose des richesses d’art qu’on y admirait naguère. On ne saurait donc s’étonner que les représentans de la France, après les victoires de l’armée commandée par Bonaparte, aient pris à cœur de doter notre école de Rome d’une résidence mieux appropriée au séjour et aux travaux de ses pensionnaires. Il en était une à laquelle, pour y installer soit l’ambassade près le Saint-Siège, soit l’Académie de France, on avait pensé dès le temps de Louis XV ; c’était la Villa Médicis. Pour l’acquérir, les circonstances étaient favorables.

Située sur le Pincio, cette belle demeure, dont on a parfois assez mal indiqué les origines, avait été bâtie, en 1540, aux frais du cardinal Ricci, par l’un des plus célèbres architectes de la Renaissance, Annibale Lippi. Les bas-reliefs et autres fragmens antiques, qui décorent l’une de ses façades, proviennent de fouilles faites à Rome et dans la campagne romaine. En 1576, elle fut achetée par le cardinal Ferdinand de Médicis, neveu de Léon XI, dont, aujourd’hui encore, on peut voir l’écusson, en même temps que celui des deux autres papes de la maison de