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profonds, la régularité partout, par les flancs qu’ils y pratiquèrent et les petites redoutes qu’ils semèrent, avec des portes et des ouvertures couvertes de demi-lunes ! » Ce fut, en son genre, un chef-d’œuvre d’activité et d’improvisation.

Grâce au prodige accompli par Guillaume, l’affaire avait changé de face. Ce n’était plus seulement une bataille à livrer, mais une place de guerre à forcer, des remparts à prendre d’assaut. Le maréchal n’hésita pas devant cette tâche nouvelle. Il fit, séance tenante, ses dispositions pour l’attaque. Il avait reconnu, dès le premier coup d’œil, que la clef de la position serait le village de Nerwinde : débordant en saillie sur la droite des Alliés et surplombant les campagnes voisines, son feu prendrait en écharpe tout ce qui s’approcherait du front fortifié de la ligne. C’est sur ce point, en conséquence, qu’il décida de porter son effort, en dirigeant une fausse attaque sur Rumsdorp et Neerlanden, à l’extrémité opposée. Guillaume, de son côté, et pour les mêmes raisons, mettait un prix égal à posséder Nerwinde. Ce fut le nœud de la bataille, et l’histoire est fondée à lui en conserver le nom.

Le maréchal massa vis-à-vis du village vingt-neuf bataillons d’infanterie, sous les ordres de Montchevreuil[1], de Rubente et de Berwick[2]. L’aile droite, chargée de la diversion sur Rumsdorp et sur Neerlanden, fut confiée au prince de Conti. Le centre, composé surtout de cavalerie, fut porté dans la plaine face au grand retranchement, « par un mouvement si beau et si savant que sa marche à l’ennemi forma son ordre de bataille[3]. > Le maréchal de Villeroy, qui en reçut le commandement, eut pour instruction d’attaquer aussitôt qu’il verrait Nerwinde aux mains des troupes françaises. Joyeuse eut le corps de réserve Luxembourg ne prit point de poste, pour être prêt à se porter partout où il le jugerait nécessaire. Son fils aîné, le duc de Montmorency, lui servait d’aide de camp et transmettait ses ordres.

  1. Gaston-Jean-Marie de Mornay, comte de Montchevreuil, lieutenant général tué à Nerwinde le 29 juillet 1693.
  2. Jacques Fitz-James, duc de Berwick, fils naturel de Jacques II et d’Arabelle Churchill, né en 1661, naturalisé Français en 1703, maréchal de France en 1707, tué au siège de Philisbourg, le 12 juin 1734.
  3. Mémoires de Feuquières.