Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 19.djvu/584

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

heures de marche pour le moins. Un violent orage, éclatant brusquement, le contraignit à différer jusqu’à la pointe du jour. Le 28 juillet, à trois heures du matin, sous une pluie torrentielle entremêlée d’éclairs, s’ébranlèrent les premières colonnes. » Luxembourg prit la tête avec la cavalerie légère, allant à grandes allures. Il passa la rivière du Jaar, au moulin de Waremmes. Il y fit une courte halte, pour rallier les retardataires et pour attendre le rapport des éclaireurs chargés de surveiller l’ennemi. C’est là qu’il fut rejoint par le maréchal de Joyeuse, prévenu dans la nuit même, et qui ramenait le détachement[1] soi-disant expédié au secours de nos lignes. En même temps survenait le premier officier envoyé en reconnaissance : ce fut un sieur Le Fèvre, capitaine au Royal-Roussillon, « qui, de gardeur de cochons, était parvenu là à force de mérite et de grades, ; et qui ne savait encore ni lire ni écrire, quoique vieux[2]. C’était d’ailleurs, malgré cette ignorance, « l’un des meilleurs partisans des troupes du Roi, et qui ne sortait jamais sans voir les ennemis ou en rapporter des nouvelles sûres. » Il affirma que les Alliés étaient toujours dans leur camp de la Geete et qu’ils semblaient ne se méfier de rien. D’autres partis apportèrent coup sur coup des informations analogues. Grande fut, à ces nouvelles, la joie du maréchal ; il crut déjà se voir tombant à l’improviste sur le dos des confédérés et rendant à Guillaume la surprise de Steinkerque.

Quand on reprit la marche, il commanda que ce fût « en silence et à la sourdine ; » les trompettes cessèrent de sonner les tambours de battre[3]. L’armée entière, sur sept colonnes, s’avança vers la Geete, par les chemins assignés à chaque corps, dans un ordre admirable. Le maréchal prit encore les devans. A trois heures de l’après-midi, il débouchait dans la plaine de Landen, à une demi-lieue de l’ennemi, dont on voyait les tentes serrées s’aligner le long de la Geete. Son premier soin fut d’envoyer saisir par les dragons les deux villages de Sainte-Gertrude et de Landen[4], vis-à-vis la droite des Alliés. Guillaume avait omis d’occuper ces points stratégiques, et Luxembourg en profita

  1. Quatorze bataillons d’infanterie et cinq régimens de cavalerie.
  2. Saint-Simon, Mémoires, éd. Boislisle, t. I.
  3. Relation de Nicolas-Arnauld de Pomponne. Mss. de l’Arsenal, n° 6040.
  4. Aussi nommé Landen-Fermé, pour le distinguer de Neer-Landen, situé à deux milles de là.