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garnison capitula, sans que l’expédition eût en tout coûté cinquante hommes[1]. Guillaume d’Orange s’en montra fort touché : « La perte de Huy m’est très sensible, écrit-il[2], et spécialement parce que la défense a été si infâme, alors que nous étions en marche et déjà tout près, pour secourir la place. Il est fort probable que l’ennemi attaquera Liège. Dieu veuille que cette ville se défende mieux et me donne le temps de la délivrer ! Mais, pour cela, ajoutait-il, j’ai besoin du détachement qui est encore en Flandre sous les ordres du duc de Würtemberg. »

Ce corps du duc de Würtemberg dont parle le roi d’Angleterre donnait, en ce même temps, de la tablature au roi de France. Les Alliés, en effet, pour faire une diversion et distraire Luxembourg de ses intentions agressives, s’étaient imaginé d’envoyer quelques milliers d’hommes vers nos frontières du nord, momentanément dégarnies. Au pont d’Espierres, ils avaient traversé l’Escaut efforcé notre ligne. Le marquis de La Valette[3], qui commandait de ce côté, ne pouvant résister à des forces trop supérieures, se repliait derrière la Deule, et l’ennemi pénétrait dans la Flandre française, au vif émoi de Louis XIV qui envoyait lettre sur lettre au maréchal de Luxembourg : « Vous ne doutez pas que cela ne me fasse beaucoup de peine et que je n’aie une grande impatience de les en voir sortir. C’est pourquoi mon intention est qu’aussitôt que le château d’Huy se sera rendu, vous fassiez partir un corps considérable, qui marche par le chemin le plus court pour chasser les ennemis, avec dix ou douze petites pièces bien attelées... Je vous dépêche ce courrier en toute diligence pour que vous ne perdiez pas un moment[4]. »

Luxembourg était peu touché de cette agitation. L’occupation d’une bande étroite de territoire et les objurgations royales paraissaient le laisser également insensible. « Pour embrasser trop, répond-il froidement à Chamlay, les petites choses peuvent faire manquer les grandes. » La « grande chose, » à ses yeux, était de battre le roi d’Angleterre ; c’était de cette façon qu’il entendait dégager nos frontières, et, sans révéler son dessein, il en suivait l’exécution avec persévérance. Guillaume, sorti de son camp retranché, privé du détachement du duc de Würtemberg, restait,

  1. Guiscard à Barbesieux, 23 juillet. — Archives de la Guerre, t. 1206.
  2. 27 juillet. — Archief, etc.
  3. Louis-Félix Nogaret, marquis de La Valette, t. 1201.
  4. 25 juillet. — Archives de la Guerre, t. 1201.