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Park, où campaient les Alliés. Cette position, très forte par elle-même, avait cet avantage qu’elle le plaçait entre leur armée principale et le corps de 18 000 hommes qu’ils tenaient sous les murs de Liège, les empêchant de se rejoindre et paralysant leurs mouvemens. « Il se trouva ainsi, fait observer le marquis de Feuquières, supérieur et maître de la campagne, quoique son armée fût inférieure aux forces de M. le prince d’Orange, s’il avait pu les rassembler. » Attaquer Guillaume dans son camp, au mépris des forêts, des ravins, des obstacles nombreux accumulés par l’art aussi bien que par la nature, c’eût été, à forces égales, une insigne imprudence. Il n’eut garde de la commettre. Son effort ne tendit qu’à tirer l’ennemi de ce poste, et plusieurs semaines s’écoulèrent avant qu’il y pût parvenir.

Les opérations effectives débutèrent le 18 juillet. L’armée française décampa inopinément et marcha vers la Meuse. Nul ne savait les intentions du général en chef, et ce fut une surprise lorsqu’on vit, le lendemain, le maréchal de Villeroy, avec une quinzaine de mille hommes, se jeter sous les murs de Huy, citadelle assez proche de Liège et « vedette de cette place, » et l’assaillir avec vigueur. Le maréchal, pendant ce temps, s’établissait à Vignamont, d’où il couvrait le siège et « donnait du même coup de l’inquiétude aux ennemis pour les lignes de Liège et pour Maëstricht[1]. » Le but officiel et avoué de cet acte offensif était de déférer aux recommandations du Roi, qui persistait, dans chacune de ses lettres, à réclamer « une entreprise ; » mais l’intention secrète du maréchal était de faire croire à Guillaume que le siège de cette forteresse n’était que le prélude de plus vastes desseins contre les grandes villes de la Meuse. Le mouvement réussit au delà de toute espérance. Guillaume quitta son camp fortifié de Louvain et s’avança sur Tongres, pour secourir la petite place investie : « J’espère, écrit[2] un de ses lieutenans à Heinsius, que nous pourrons encore marcher demain, de façon à atteindre la place dans deux ou trois jours. Mon avis est que l’ennemi ne restera pas dans ses positions actuelles, à moins qu’il ne veuille livrer bataille... Dieu veuille qu’à forces à peu près égales nous puissions enfin remporter un avantage ! J’espère qu’il nous donnera la victoire. » Le sort de Huy ne laissa pas longtemps les esprits en suspens. Après trois jours de tranchée, la

  1. Mémoire sur la campagne de Flandre. — Archives de la Guerre, t. 1206.
  2. Lettre du comte d’Athlone du 20 juillet. — Archief, etc.