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point des forces du Roi, lequel, sans se flatter, aura 40 000 hommes de plus qu’eux, » assure avec orgueil Barbesieux à Noailles[1]. Les lettres du roi d’Angleterre au grand pensionnaire de Hollande ne cachent pas sa sombre inquiétude : « De multiples occupations ne m’ont pas permis jusqu’ici d’écrire, et je regrette de n’avoir rien de bon à dire... Il est incroyable de voir quelle supériorité numérique possède l’ennemi. Jusqu’à ce moment aucune de ses deux armées n’a bougé, mais nous nous y attendons sans cesse. Nous ne pouvons savoir si l’effet sera dirigé sur nous ou sur la Meuse. J’avais bien prévu toutes ces difficultés à la fin de la précédente campagne et cet hiver ; c’est pourquoi j’eusse été fort heureux de pouvoir arriver à conclure la paix[2]. »

Loin de s’abandonner, pourtant, il travaillait énergiquement, par tous moyens en son pouvoir, à protéger les points qu’il jugeait menacés. Le comte d’Athlone[3], avec 18 000 hommes, fut porté sous les murs de Liège, avec ordre « d’élever des retranchemens alentour de la place et de s’y maintenir assez de temps pour avoir celui de recevoir du secours. » Huy, Ath et Charleroi reçurent des garnisons et furent pourvues en abondance de vivres et de munitions. Il restait encore disponibles une cinquantaine de mille hommes, avec lesquels Guillaume prit position près de Louvain, à l’abbaye de Park, « à portée de couvrir Bruxelles et de donner la main à Liège[4], » dans un poste excellent, fortement retranché, défendu de toutes parts, où l’on ne pourrait le forcer qu’au prix du plus terrible effort.

Ces dispositions, à coup sûr, étaient les meilleures qu’il pût prendre. Elles entravaient fort habilement un dessein cher au cœur du Roi. Dans les conférences du Quesnoy, le programme primitif avait effectivement subi quelque retouche : Louis XIV, voyant que, par suite de nos longs retards, l’ennemi était mieux préparé qu’on n’y avait compté d’abord, avait imposé l’adoption d’une combinaison moins hardie, — moins prompte surtout, — que celle de Luxembourg. De sa personne, il marcherait sur Liège,

  1. Lettre du 27 mai. — Archives de la Guerre, t. 1201.
  2. Lettre du 30 mai 1693. — Traduit du hollandais, Archief den raadpensionaris Antonie Heinsius.
  3. Godart de Reede de Guinckel, comte d’Athlone, Westphalien d’origine, mort à Utrecht en 1703.
  4. Mémoire historique sur la campagne de Flandre. — Archives de la Guerre, t. 1211.