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afin d’être en état de me donner vos avis, à votre retour auprès de moi. »

Le système stratégique proposé par le maréchal fut conforme, dans son ensemble à ce qu’on vient de lire et conçu d’après ces données, mais il y ajouta sa marque personnelle : l’énergie et la précision. Les Alliés, dit-il en substance[1], se fortifient, s’aguerrissent tous les jours ; leur nombre leur permet de réparer aisément leurs pertes. La France risque, au contraire, de voir s’épuiser à la longue ses ressources d’hommes et d’argent. Elle a donc intérêt à mener rapidement la guerre et à brusquer le dénouement ; le moyen de le faire est de frapper la coalition à la tête, en concentrant tous ses efforts contre le seul chef de la ligue. Que, dès le début du printemps, deux grandes armées, de force égale, se rassemblent aux Pays-Bas et resserrent comme dans un étau l’armée du prince d’Orange, sans lui laisser le temps d’appeler les régimens cantonnés en Allemagne. S’il cherche à résister dans ce pays ouvert, nul doute qu’il y soit écrasé ; s’il se réfugie en Hollande, les deux armées l’y poursuivront, et l’on saura le forcer à combattre. On peut d’ailleurs prévoir que, dans cette seconde hypothèse, les Etats-Généraux, déjà bien ébranlés, se hâteront, en voyant leur contrée envahie, de demander une paix particulière, et dissoudront ainsi l’alliance européenne. Tel fut, dans ses grandes lignes, le plan, dont le succès, comme y insistait Luxembourg, dépendait de deux conditions : le renforcement de l’armée par des levées extraordinaires, une vive célérité dans la préparation. Le premier point était l’affaire du Roi ; aussi fit-on le nécessaire. Le deuxième, par malheur, concernait Barbesieux ; et c’est pourquoi l’exécution laissa grandement à désirer.

Les instructions de Louis XIV au maréchal de Lorge montrent avec quel empressement il était entré dans ces vues : « Ce ne sera pas, lui dit-il[2], une campagne ordinaire, mais une campagne, en quelque sorte, de décision et de crise... Vous jugerez aisément, par la manière dont je vous écris, qu’il faut que j’aie des raisons bien fortes pour m’obliger à en user ainsi. » Les dispositions prises répondaient à ce préambule. De toutes parts, les recrues affluèrent dans les régimens ; on fondit des

  1. Mémoires de Feuquières. — Manuscrits de la maison de Luxembourg, cités par Désormeaux dans son Histoire de la maison de Montmorency, t. V.
  2. Lettres des 15 mai et 1er juin 1693.