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signifie : les intérêts spéciaux dont il s’agit ne peuvent être que des intérêts politiques, et, en les reconnaissant à son partenaire, chacun des deux pays lui reconnaîtrait naturellement le droit, et l’autoriserait à employer le moyen de les garantir. — 3° Le Japon s’engagerait à ne porter aucune atteinte aux droits et immunités commerciaux que la Russie, en vertu des traités, possède en Corée, et la Russie prendrait le même engagement en ce qui concerne les immunités et les droits commerciaux du Japon en Chine, c’est-à-dire en Mandchourie. — Cette dernière clause est très importante. Le Japon ne pouvait pas la négliger, car il a un intérêt personnel à la faire prévaloir ; mais, comme son intérêt se confond ici avec celui des autres puissances, il s’est montré habile en la mettant au nombre de ses revendications. Il est clair, en effet, que les engagemens mutuels que prendraient la Russie et le Japon pour se garantir le maintien du statu quo commercial, tel qu’il résulte des traités existans, s’étendraient et s’appliqueraient au commerce de toutes les puissances. C’est la consécration du principe de la porte ouverte. En demandant la liberté pour lui en Mandchourie, et en la promettant à la Russie en Corée, le Japon l’assure aux autres, et, dès lors, il les intéresse à son succès. En Angleterre, par exemple, si le gouvernement est réservé et discret, si même il est, comme nous n’en doutons pas, très sincèrement pacifique, l’opinion publique, au contraire, a témoigné au Japon une sympathie bruyante, et les journaux n’ont pas cessé de parler de la Russie avec un sentiment qui ressemblait souvent à de la malveillance. Cet état de l’opinion, dangereux par lui-même, se modifierait sans doute assez vite si la Russie annonçait la ferme intention de pratiquer en Mandchourie le principe de la porte ouverte : et ce n’est pas seulement en Angleterre qu’elle ferait naître par là de meilleures dispositions à son égard. Il semble, au surplus, que la cause soit déjà gagnée : les dernières dépêches annoncent que la Russie respectera les traités existans.

Qu’a répondu le gouvernement de Saint-Pétersbourg à celui de Tokio ? Sa note est datée du 11 décembre. Il a refusé purement et simplement de traiter la question de la Mandchourie avec le Japon, sous prétexte qu’elle ne regarde que la Chine. Dans la forme, cette déclaration est parfaitement correcte : le Japon n’a aucun droit sur la Mandchourie, à l’exception toutefois de ceux que lui donnent les traités dont nous venons de parler ; mais il est possible que cette fin de non-recevoir de la Russie ait été énoncée en principe, et qu’on puisse ultérieurement se mettre d’accord sur ce qui intéresse le plus le gouvernement japonais, en d’autres termes la Corée. Si le