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fortement au maintien de la paix : — nous ne disons pas qu’elles aient la moindre idée de l’offrir, et encore moins de l’imposer, mais enfin des interventions de ce genre se sont produites dans l’histoire, et ont été parfois efficaces. L’arbitrage seul est impossible, et il n’est peut-être pas inutile d’en faire l’observation à un moment où tant de personnes en parlent comme d’une découverte nouvelle destinée à procurer au genre humain une paix que rien ne troublera plus. A la première épreuve qui se présente, on reconnaît que la tâche à accomplir et l’instrument qu’on voudrait y appliquer ne sont pas appropriés l’un à l’autre. Il faut se contenter des vieux moyens diplomatiques. On les emploie donc, mais dans des conditions qui restent assez mystérieuses. Il y a déjà eu quatre notes échangées entre le Japon et la Russie, deux d’un côté et deux de l’autre, sans qu’on sache exactement quel en est le contenu. Le Japon, qui joue le rôle de demandeur, a parlé le premier, et la Russie lui a répondu. Mais la réponse de la Russie, — nous parlons de la première, — loin de produire l’apaisement à Tokio, y a paru inadmissible. Le gouvernement japonais a demandé au gouvernement russe de vouloir bien la « reconsidérer » : c’est l’expression dont il s’est servi, et il y a lieu de croire qu’il a indiqué les points qui lui paraissent comporter le plus utilement une révision. Le gouvernement russe a accédé au désir du gouvernement japonais, et il a envoyé à Tokio une nouvelle note qui a paru y produire quelque détente, mais non pas y donner encore toute la satisfaction qu’on en attendait. Le gouvernement japonais vient, dit-on, de répliquer, et, s’il ne l’a pas encore fait, il est sur le point de le faire. Les choses en sont là.

On ne sait rien de certain sur les deux dernières notes qui ont été échangées entre Saint-Pétersbourg et Tokio, ni peut-être rien de complet sur les deux premières. Cependant quelques communications qui ont été faites à la presse permettent de reconstituer, au moins partiellement, celles-ci. Le Japon, avons-nous dit, est demandeur. La Russie, elle, n’a rien à demander ; elle occupe la Mandchourie, et ne semble nullement disposée à l’évacuer. Si elle le fait jamais, ce sera pour la forme, et en conservant un protectorat effectif sur le pays. Beati possidentes ! disait autrefois M. de Bismarck. La Russie serait parfaitement contente de son lot, si on lui permettait d’en jouir en toute tranquillité et d’en disposer en toute liberté. Mais c’est ce que certaines nations ne la laisseraient probablement pas faire, sans avoir obtenu d’elle des garanties, ou du moins des promesses, au sujet du respect de ce principe nouveau de la porte ouverte auquel leur commerce