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réalisée. Personne, disaient-il, ne veut plus de la guerre ; il n’y en aura donc plus, et il faut s’arranger en conséquence. La guerre turco-grecque, la guerre hispano-américaine, la guerre sud-africaine, qui se sont succédé sous leurs yeux en quelques années, ont à peine troublé leur quiétude. Elles n’ont été, à les entendre, que des accidens de plus en plus atténués d’un mal destiné à disparaître. Nous espérons qu’en ce qui concerne l’Extrême-Orient, nous en serons provisoirement quittes pour la peur ; mais nous sommes loin d’en être assurés ; et, quand bien même l’événement justifierait cet optimisme, ce serait une illusion de croire que les alarmes de ces derniers jours ne se renouvelleront pas. La guerre est dans l’air. Il ne faut rien négliger pour y échapper le plus longtemps possible, et, dans tous les cas, pour en limiter le théâtre et pour en atténuer les effets. Mais qui oserait répéter aujourd’hui que ses horreurs n’appartiennent qu’à la barbarie du passé, et que l’insondable avenir sera tout entier aux douceurs de la paix ?

Nous le savons bien, il y a l’arbitrage. On en a beaucoup parlé depuis quelque temps, et ceux qui y voient une infaillible panacée contre la guerre ont fait grand bruit des deux traités que nous avons signés coup sur coup avec l’Angleterre et avec l’Italie. Il suffit pourtant de les relire pour reconnaître que, s’ils ont contribué à faire naître ou à entretenir quelques-unes des illusions dont la naïveté ou même la puérilité nous épouvante, ce n’est pas la faute de leurs rédacteurs. « Les différends, disent-ils, d’ordre juridique ou relatifs à l’interprétation des traités existant entre les Parties contractantes qui viendraient à se produire entre Elles et qui n’auraient pu être réglés par la voie diplomatique, seront soumis à la Cour permanente d’arbitrage établie par la convention du 19 juillet 1899 à La Haye, à la condition toutefois qu’elles ne mettent en cause ni les intérêts vitaux, ni l’indépendance ou l’honneur des deux États contractans et qu’ils ne touchent pas aux intérêts des tierces puissances. » Il faut une imagination singulièrement complaisante pour voir là autre chose que ce qui y est, car les expressions employées sont parfaitement claires. Les auteurs du traité ont visé tout simplement les litiges d’ordre juridique généralement relatifs à l’interprétation des traités, et non pas du tout les conflits d’intérêts qui s’élèvent entre deux nations sans avoir encore été l’objet d’aucun règlement diplomatique. Encore ont-ils pris soin d’ajouter que les différends en question devraient ne mettre en cause « ni les intérêts vitaux, ni l’indépendance ou l’honneur des États contractans, » ce qui signifie, en bon français,